Philippe Porret, La Chine de la psychanalyse

Paris, Éditions Campagne-Première (diffusion PUF), 2008, 320 p., 22 €, ISBN : 978-2-915789-40-9


Voir la présentation du livre par Pascale Hassoun par ici



Le livre de Philippe Porret nous a été annoncé dans les termes ci-dessous. C’est à partir de ce texte de présentation qu’ont surgit les questions posées à Philippe Porret et auxquelles il a eu l’obligeance de répondre pour les lecteurs de Lacanchine.com :

« Drôle de titre, non ? On s'attendrait aux mêmes mots, dans un ordre différent : “la psychanalyse en Chine”; ou “la psychanalyse de la Chine”. Il m'a semblé qu'il fallait prendre les choses autrement. Pas comme l'étude de ce qui se présenterait un fait ; mais en écoutant l'effet d'un discours constitué de deux forces en lien. La Chine de la psychanalyse, c'est d'abord un pays qui redécouvrant la causalité psychique, se transforme en envisageant une forme de conflictualité de l'esprit nouvelle ; le peuple, loin des idéalisations passées du collectif, ou de la texture confucéenne, fait place aux douloureux retours de mémoire. C'est incontestablement une mutation, quels que soient les raidissements toujours possibles, et telle est la Chine de la psychanalyse, celle qui eut été impensable sous la Chine de Mao. Il en est une seconde. Car la Chine de la psychanalyse, c'est aussi celle qui fascine la psychanalyse européenne, et plus particulièrement française, au fil des voyages, des missions, des guerres, des récits, des créations, des études de toutes sortes qui les mirent en contact : une Chine que la psychanalyse approche, redoute, crée, imagine, reconsidère. L'une et l'autre de ces deux Chines de la psychanalyse sont des créations de l'Histoire : portée par la tourmente du début du XXe, abordée en 1920, immobilisée au milieu du siècle, reprise dans les années quatre-vingt. »

On en suit les méandres dans le livre de Philippe Porret, à travers son expérience de la transmission de la psychanalyse en Chine, comme à travers des passeurs aussi inattendus que Lucien Bodard, Dai Sijie, des penseurs aussi différents que Jacques Lacan ou François Jullien. Et à travers l'étonnante histoire de Huo Datong, le premier psychanalyste chinois aujourd'hui, reconsidérée dans sa complexité. La Chine de la psychanalyse articule les chocs tant en France qu'en Chine des multiples logiques à l'œuvre, entre mondialisation et transmission, quant à l'insertion d'une écoute de l'inconscient, au pays de la Grande Muraille. On y mesure ce que la psychanalyse en Chine doit à la langue chinoise, et la façon dont elle a aussi à s'en affranchir pour rester ouverte aux effets de la parole.





Guy Flecher - Tu nous parles donc d'une autre Chine, celle de la psychanalyse, celle qui redécouvre la causalité psychique. À quelle re-découverte fais-tu allusion ? À quel moment de son histoire cette causalité psychique était-elle interrogée ? Comment se formulait la conflictualité de l'esprit avant d'envisager cette nouvelle forme ?

Philippe Porret - Je parle de redécouverte car on a un peu oublié, en ces temps de Jeux Olympiques pékinois et de marées d'équinoxe sur le Net chinois, combien le temps fut couvert en Chine, auparavant. Qui aujourd'hui a pris la mesure du fait que le pays s'est fermé pendant de longues années à tout extériorité, se repliant sur sa géographie intérieure ? Cela dura un peu plus d'une génération, entre le début des années cinquante et 1976, date de la mort de Mao et de Zhu Enlai en. Le pays fut plus fermé que l'Iran des mollahs, l'Afghanistan des talibans, l'actuelle Corée du Nord. Dans ces temps de repli, la seule causalité est celle de la volonté politique, de la supposée clarté du projet, de la transparence et de la fidélité aux idéaux de la révolution à maintenir.

L'enseignement de la théorie freudienne, présent jusque dans les années quarante, disparaît. La redécouverte se fera sous le manteau, par la circulation clandestine de la Traumdeutung, quarante ans plus tard. Les rêves ont toujours intéressé les Chinois et appartiennent à la tradition ; ce qu'en dit Freud, en l'axant sur la question du désir inconscient, mais aussi du sexuel, est totalement nouveau après ces années de Grande Muraille. Ce que je nomme, avec le recul de l'histoire, une redécouverte est pour ces jeunes lecteurs une découverte bouleversante. Le livre est, au mieux, lu en anglais, et le terme de refoulement ("repression") fait mouche, par ses connotations politiques et sociales ; ou en chinois, et il s'agit alors souvent d'un résumé de la Traumdeutung, expurgé de nombre des rêves de Freud. Même dans ce cas, c'est une théorisation du sexuel qui à la fois attire et repousse. Le destin de la psychanalyse en Chine y trouvera flux et reflux. Le rêve constituera donc une voie impériale d'affirmation de soi et de conflictualité, renvoyant à chacun sa singularité en lien avec le collectif pourtant.


On dit communément et par facilité : la psychanalyse est dans les bagages de l'occidentalisation de la Chine d'aujourd'hui. Mais sans la révolution maoïste aurait-elle pu éclore ? Est-ce que les « douloureux retours de mémoire » ne nourrissent pas davantage cette nouvelle forme de conflictualité de l'esprit ?

La psychanalyse n'est pas venue avec l'occidentalisation de la Chine d'aujourd'hui, mais dans le sillage des « diables d'étrangers »; elle est venue dans la suite de la colonisation et de l'impérialisme, ce à quoi Freud n'avait pas beaucoup songé. Cela étant, cette floraison a connu des gelées qui ont eu presque raison d'elle. Les nouvelles pousses des années 1980 sont pour certaines impensables sans le maoïsme, et c'est tout l'intérêt de la fondation par Huo Datong d'un centre de psychanalyse et de formations de psychanalystes. Il est le seul, issu du maoïsme, à avoir formalisé par son cheminement personnel, mais aussi par son développement théorique, une question posée au freudisme comme à l'enseignement de Lacan, et en avoir tiré une pratique dans la cure. Huo Datong est allé en France poser sa question à la psychanalyse, à partir de failles personnelles, mais aussi historiques quant à son pays. Il en a ramené ensuite une élaboration qui a installé la psychanalyse en Chine, très différemment de gens qui pratiquent la psychanalyse dans ce pays.

Bien des aspects en méritent discussion approfondie. Il n'en reste pas moins que les fondements de cette psychanalyse sont impensables sans ce qu'avait créé historiquement le maoïsme et plus fondamentalement le marxisme. Les retours de mémoire concernent autant le fait qu'il n'est pas de psychanalyse sans articulation de la mémoire et du désir, et que la Chine en s'ouvrant à la psychanalyse prend inéluctablement le risque de s'ouvrir à la mémoire du traumatique, au scandaleux des réminiscences, à l'obsédant des remémorations. Donc aux mouvements de l'histoire, au feu de la métaphore, et aux enjeux de l'Histoire. Les douloureux retours de mémoire, c'est aussi tout ce qui revient dans la clinique ordinaire des psychanalystes chinois ou des psychothérapeutes, au jour le jour. Comment faire avec ce qui vient, devant ce qui n'est plus et qui insiste terriblement. C'est aussi ce qu'affrontent tous ceux qui aident les rescapés du séisme au Sichuan, et qui demandent notre appui : comment faire pour aider ceux qui n'arrêtent pas de se souvenir ? Ce sont des choses en cours qui m'intéressent beaucoup…


Tu pointes de quelle façon la psychanalyse européenne est fascinée, dis-tu, par la Chine, particulièrement en France. Pour Lacan la fascination est ce point « où toute subsistance subjective semble se perdre et s'absorber, sortir du monde » (15 mai 1963), l'absortion du sujet dans l'objet. N'est-ce pas ainsi que se sont nourris tous les malentendus qui ont été au centre des relations de l'Occident, et effectivement particulièrement en France, avec la Chine. Le dernier numéro de la revue Monde chinois (n° 11, automne 2007) y est entièrement consacré. Est-ce que la notion d'« hétérotopie » ne participe pas de ce phénomène de fascination d'un ailleurs radical ?

Que la Chine ait fasciné les Français, diplomates, gens de plume et de lettres, mais aussi voyageurs, penseurs, artistes, thérapeutes ou médecins ne date pas d'hier. La Chine a fasciné aussi par ses différences de pensée, son rapport différent à bien des choses qui sont des évidences chez nous, et qu'on a envisagé, peut-être du fait de sa langue non alphabétique comme un système autre, clos sur lui-même, totalement sans rapport avec l'occident. On s'aperçoit aujourd'hui qu'historiquement c'était faux, et que l'hétérotopie est une construction idéologique simplificatrice.

Mais l'arrêt du regard auquel la fascination peut faire penser concerne moins la Chine que sa langue, et plus spécifiquement son écriture. Il est assez frappant de constater l'importance qu'elle revêt, dans l'histoire de la psychanalyse en Chine, tant du côté chinois, dans l'élaboration par exemple que lui donne Huo Datong (l'inconscient structuré comme l'écriture d'un caractère chinois) que du côté français avec, bien entendu, l'intérêt et la portée que va lui accorder pendant plusieurs années Jacques Lacan. La notion d'écriture et d'écrit, tant à propos de l'inconscient que du chinois se trouveront mis de plain-pied, dans des années où en France le postmaoisme reste encore assez influent. La fascination est donc pour la langue chinoise ; vise-t-elle une hétérotopie ? Certains la trouvent, de l'avoir passionnément cherchée. Je ne pense pas que la Chine soit hétérotopique, et affirmer son altérité est une manière assez sûre de se tromper non seulement sur elle, mais sur soi.


Cela conduit à la question de la transmission. Pourrais-tu préciser ce qu'il en est de ton expérience personnelle ?

La transmission est une dimension et un mot auquel les psychanalystes sont attachés. Sans doute parce qu'elle  se rapproche de la transmission orale des savoirs antiques, traditionnels puis médiévaux, qu'elle dit une forme d'enseignement sans scolarité trop tatillonne dans une sorte de compagnonnage respectueux des générations, qu'elle semble une garantie contre la disparition pure et simple de la psychanalyse ou l'extinction de son feu, de son esprit, de sa dérangeance si tu me permets ce néologisme. La transmission est donc une dimension précieuse, mais elle suppose beaucoup d'insu et de modestie de la part de ceux qui en seraient les agents volontaires ou involontaires.

Aller en Chine transmettre la psychanalyse conduit souvent à des impasses, à des déceptions ou des mécontentements réciproques. Les psychanalystes chinois, en formation ou déjà installés, les praticiens chinois d'une psychothérapie analytique, que j'ai pu aussi rencontrer en différentes villes sont souvent savants. Ils ont lu, étudié, écrit. Ils ont appris, et appliquent. Dans ce contexte, il m'a été souvent étonnant de découvrir que… c'était la parole qu'ils ne connaissaient pas, autrement dit les multiples remaniements qu'elle offre, suscite ou produit. L'inconscient appelle certes lecture mais à partir de ce qui parle et qu'il s'agit d'entendre dans sa soudaineté. Mais comment le faire saisir ce pouvoir de la parole ? Faut-il l'enseigner ? Par des séminaires de lecture de texte, de commentaires, d'échanges, par des exposés ? Comment le transmettre ?

L'expérience du contrôle, et par ailleurs de supervision, a été très instructive pour moi de cette nécessité de supporter avec les Chinois la position d'expert tout en faisant jouer la parole autrement. Et de laisser alors, en fonction de la forme de questionnement que cela suscite chez les analystes chinois, dans cette expérience de parler de leur pratique en dehors du savoir, à de la transmission de se produire. Car ils expérimentent alors un mode de rapport à la parole souvent inédit par rapport à ce que fut leur analyse personnelle. La transmission suppose beaucoup d'insu de part et d'autre. Et pour des raisons différentes, chacun peut tenter de l'éviter. Travailler avec des analystes en Chine, pour un analyste occidental, suppose d'endosser la position d'enseignant, ne pas dénoncer la place d'expert tout en faisant entendre ce qui soudain ouvre une question, un écart, une distinction inopinée. La transmission, c'est ce qui se produit quand à partir d'une question vive, le savoir ne répond pas complètement. Il va donc falloir chercher ailleurs, plus loin, et dans ce mouvement, quelque chose va se produire latéralement, presque à l'insu de celui qui cherche. C'est dans cet à côté que se produit de la transmission. C'est autre chose que l'enseignement, qui a toute mon estime, mais qui est une autre tâche.


Ne pas être de nouveaux missionnaires dis-tu par ailleurs. Voilà une référence à Mateo Ricci. Or celui-ci a essayé de finasser autant avec les Occidentaux qu'avec le Chinois en cherchant à superposer les termes chrétiens avec les termes chinois, tel le ciel et le Ciel. Peut-être n'était-il pas dupe et que son projet de relier les deux mondes (chrétien et confucianiste) était prioritaire. Mais il y a un point sur lequel il a buté : la question du péché originel qui ordonne le monde chrétien en situant Dieu dans un ailleurs transcendantal. Peut-être que cette notion du péché originel peut se reconnaître dans l'enseignement de Lacan en son « pas-tout ». Or, le péché originel ampute l'idée de l'homme naturellement bon qui est un des fondements du confucianisme. Et il implique que l'Empereur est à la même enseigne que tous les êtres parlants. C'était défaire l'ordre hiérarchique qui ordonnait et ordonne toujours la pensée chinoise (Empereur, père, fils). C'est cela que les lettrés chinois ont dénoncé dans le même temps que le Vatican rappelait les siens à l'ordre. Qin Wei nous rappelait récemment combien cet ordre du social restait vivace dans l'esprit des Chinois. N'est-ce pas un des éléments qui peut faire que la psychanalyse en Chine advienne comme une psychanalyse chinoise ?

Ce sont des interrogations complexes  et surtout plurielles que tu me poses ! Je vais essayer d'y répondre dans l'ordre où tu les fais apparaître.

Les missionnaires constituent une figure éloquente, historiquement chargée en Chine ; elle renvoie aujourd'hui au danger pour les psychanalystes de se transformer en transmissionnaires, pédagogues ou clercs d'une religion en difficulté mondaine en Europe. En même temps, ce danger que nous courrons chacun, comment l'éviter si l'alternative est de se transformer en techniciens d'une technique, tout comme Godard se gaussait des professionnels de la profession ? Faut-il alors être porteurs de foi ? Parfois, sans être religieux, et l'expérience qui fut celle de Michel Guibal dans un lieu d'accueil d'enfants autistes où se pratique la méthode ABA (fort peu analytique !) est un exemple de la façon dont de la transmission peut se produire là où tout s'y oppose. J'en parle dans mon livre.

Ricci, c'est autre chose. C'est à la fois la question du dictionnaire et de la traduction. Le dictionnaire établit des correspondances, terme à terme, ou caractère à mot. La traduction est l'art du contexte, tout comme elle reflète la position du traducteur par rapport soit à la langue dite de départ, soit à celle d'arrivée. On retrouve quelque chose de cela dans l'instructive dispute intellectuelle qui oppose aujourd'hui Jean-François Billeter à François Jullien. S'il est vrai qu'ils ne parlent pas de la même Chine, parce qu'elle ne leur sert pas de la même façon, il serait beaucoup plus intéressant de les amener à discuter devant un public d'une pratique qu'ils ont chacun — celle de la traduction de textes chinois classiques — et de comparer leur positionnement, on pourrait presque dire éthique, de la traduction. L'un veut la ramener à du connu dans l'expérience humaine, l'autre veut amener du bousculement dans la langue d'arrivée, de l'intrusion… Ciel ne sera peut-être pas ciel, tout comme Dao sera ou ne sera pas voie, cheminement, le Dao, etc.

Revenons à la psychanalyse, et à ce que tu appelles la psychanalyse chinoise : est-elle chinoise parce que la psychanalyse se pratique en Chine entre des parlêtres chinois ? Ou est-elle chinoise au sens où elle aurait une particularité par rapport à une psychanalyse espagnole, par exemple ? Je me tiendrais plutôt du premier côté. La Chine a une histoire, ancienne et récente, qui n'est pas sans avoir façonné une manière de penser, de s'exprimer, de penser la façon de penser et de s'exprimer. Elle est porteuse d'une forme de « contexture », un mélange d'une texture langagière — les san gang wu chang, les trois fils et cinq liens qui établissent place et devoirs — et du contexte qui va les ordonner socialement. C'est cet ordre qui articulait les devoirs entre ministre et empereur, fils et père, aîné et cadet, épouse et mari, qui trame cet ordre social dont parlait Qin Wei. Le problème est d'arriver à en tenir compte tout en ne l'objectivant pas trop comme une spécificité de la psychanalyse chinoise. Car sinon, on est passé du côté du second volet de l'expression « psychanalyse chinoise », laquelle pourrait rapidement mener à une psychanalyse rangée.


Et il y a la question de la langue. Si la pythie et ses jaculations oratoires dit l'ordre du monde et fonde la primauté de l'oral en Grèce, en Chine se sont la lecture des traces inscrites sur les écailles de tortues et qui disent l'importance de l'écrit. Qu'en disent les analystes chinois de cette importance de l'écrit dans la cure ? Où est-ce que cette question participe de la fascination de l'Occidental pour le Monde chinois ?

Le Logos n'est pas sans connaître et reconnaître quelque chose de l'écrit. La question de l'écrit est bien sûr très importante puisqu'elle est au cœur des échanges quotidiens en Chine : pas seulement sous sa forme ordinaire, sur une feuille, un livre, en sous-titre à la télévision nationale ; mais l'écriture d'un caractère, tracé d'un doigt sur une paume vient souvent dissiper un malentendu sur une homophonie possible, une erreur ou une incompréhension. La proximité écrit/parole est donc plus manifeste qu'en Europe.

Les analystes chinois y sont donc assez attentifs. Mais dans la cure, cette dimension prend parfois pour eux une importance qu'on jugerait ici surprenante, presque déplacée. La fonction de l'écrit peut apparaître quant aux choix de prénom, aux surdéterminations du patronyme. La culture chinoise classique, tout comme une part de la tradition taoïste, a été amenée à voir dans les caractères l'essence et l'ordre du monde. Par ailleurs, le structuralisme lacanien et l'idée assez porteuse selon laquelle c'est le monde des mots qui crée le monde des choses, va dans le sens de cette prééminence de l'écrit. Les analystes de Chengdu sont particulièrement sensibles à cette question de l'écrit, d'abord parce qu'ils se réclament de l'enseignement de Lacan, (lequel a insisté sur l'écriture qu'il y a à entendre dans les manifestations de l'inconscient), mais aussi parce que Huo Datong, à partir de son expérience d'analysant, puis dans sa pratique de l'analyse a mis en avant ce qu'il appelle la décomposition des caractères (de la langue), et qui consiste à être vigilant aux surdéterminations dans l'écriture de tel ou tel caractère chinois qu'un parlêtre utilise dans la cure, dans un rêve, dans un propos ou dans un texte. Pourquoi pas si cela amène de l'inédit, de l'écart.

L'interprétation, en psychanalyse, suppose néanmoins de ne pas disparaître dans les sables mouvants de l'étymologie ou de ramener le dire d'un analysant au message sur la carapace de la tortue. Il se pourrait qu'en Chine, très férue de langage comme des derniers séminaires de Lacan, la nouveauté à laquelle peu de praticiens songent, soit de lire le Rapport de Rome, autrement dit Fonction et champ de la parole et du langage. Cette question de l'écriture en Chine m'a longtemps interrogé ; je pense qu'il faut la considérer sans la surestimer. Plutôt la prendre dans une perspective historique, en gardant en mémoire par exemple que la littérature chinoise, malgré d'actifs mouvements littéraires peu connus en Occident, n'a pas été remaniée par l'équivalent de ce que fut en Occident le surréalisme, lequel, tout en privilégiant l'écriture (automatique) ne pétrifiait pas cette dimension. Ca ne veut pas dire pour autant que la Chine soit pour toujours contenue et enfermée dans son écriture. C'est entre autres à la psychanalyse en Chine d'y faire entendre des écarts.

La Chine de la psychanalyse


Philippe Porret


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