DANS LE THÈME

Généralement critiqué pour son absence, la facilité de ses démissions, il arrive au contraire que l’insistance d’un père à occuper la fonction génère des symptômes qui atteignent fils et filles ; j’aborde, à travers le récit ou plutôt le trait de certaines cures, les conséquences qui en résultent et j’essaie d’approcher la question insistante, qu’est-ce qu’un père ?

Autrement dit, quelle est la bonne distance pour un père à l’égard de ses enfants et quelles conséquences sur le futur en particulier sur ses fils lorsqu’il manifeste une présence à l’excès ?

Autre question qui lui est subsidiaire, que transmet-il en tant qu’homme cette fois ?

Telle sera notre orientation liée au thème de notre colloque, thème original et inédit pour ce qui me concerne dans la communauté scientifique, père et homme !

D’une façon générale, convenons que la fonction paternelle n’est pas écrite par avance ; après-coup, on doit admettre qu’elle suppose un réglage dans la coupure ou encore dans sa fonction séparatrice. Or ce réglage, pour diverses raisons peut faire défaut en particulier lorsqu’il n’est plus articulé et sexualisé avec et par l’autre parent. Ce réglage est donc en première analyse une tiercité à l’œuvre qui suppose de s’accommoder et de deviner les forces tensionnelles en présence ; or, ce calcul est rarement à l’œuvre dans la vie quotidienne qui apporte fort heureusement son lot de surprises mais aussi ses avatars.


ARGUMENT

L’intrusion paternelle est une des conséquences de ces avatars surtout quand la mère est pour diverses raisons défaillante, mais il arrive aussi que l’ordre paternel soit relayé par son épouse, la mère des enfants, qui faute de mieux ne peut s’opposer ou ne veut pas s’y opposer. Lorsqu’elle se manifeste, l’intrusion paternelle traduit alors un excès auquel les fils se confrontent, éventuellement hors de la problématique œdipienne. La formule désormais classique de Lacan selon laquelle l’intention analytique serait d’arriver à se passer du père à condition de s’en servir montre qu’il s’agit là encore d’un réglage évidé, précisons-le, de toute jouissance. Ce réglage est bien évidemment partagé entre analyste et analysant selon des modalités contenues par le cadre, le setting analytique. Au demeurant, l’acte analytique, n’est-il pas lui aussi soumis à un réglage ?

À partir de là il y a peut-être un parallèle, des mises en correspondances à établir entre deux situations pourtant éloignées a priori entre ce qui se présente comme un réglage de la fonction paternelle et, ce que nous pouvons aussi qualifier de réglage avec l’acte analytique.

C’est ce à quoi par ce bord j’aboutis !

Rappelons-nous que FREUD avait pointé dans les métiers impossibles le fait d’éduquer à côté de l’analyse ! (Toutefois, on doit pouvoir retrouver les ingrédients d’une fonction maternelle aussi et je pense en particulier à la sécurité psychique chère à Winnicott et de même force est de constater qu’il s’agit de fonctions que chacun des deux parents peut être amené à exercer)


SITUATION I

Pour vous donner une première illustration de cette formule de Lacan, je reprends à mon compte les analyses d’un traducteur arabe1 israélien, palestinien d’origine qui faisait remarquer dans un commentaire sur la langue arabe que celle-ci avait ces dernières années considérablement évolué, qu’elle s’était adaptée au langage des SMS, blogs, mails etc. et que cette évolution était comme un meurtre du père en relation avec l’arabe dialectal si emphatique, si immuable. Meurtre qui explique pour partie l’évolution récente des sociétés arabes gagnées par des mutations qui commencent toujours par ce travail à l’intérieur de la langue : l’atteinte portée à la langue arabe classique ne rappelle-t-elle pas la formule de Lacan où il est question de se passer du père à condition de s’en servir ?

Au demeurant toute assomption, toute émergence du sujet s’accompagne de mutations parfois de néologismes qui, on le remarque en de multiples circonstances, prennent le pouvoir pour exprimer une part de l’intraduisible du sujet ; je pense au film d’Abdellatif Kéchiche, l’Esquive qui réunit des jeunes de banlieue pour leur apprendre à parler le français en leur faisant jouer du Marivaux, emblème d’un français classique où par ailleurs l’humour ne manque pas ; ceux-ci finissent par inventer le mot ambiancer pour évoquer une ambiance de séduction, et a donné l’expression, ambiancer une fille par exemple !

Quant à Lacan il est l’auteur d’un certain nombre de néologismes qui traduisent une petite révolution à l’intérieur de la théorie combine paternelle de Freud, révolution qui tient au déplacement opéré par Lacan, un recentrage de toute la théorie autour du couple parole et langage. La formule de Lacan sur le père a ceci de génial, qu’elle semble mimer ce retournement qu’opère une bande de Moebius sans lâcher son objet !

Lorsqu’on s’y intéresse de près, le travail analytique est vraiment très riche ; on serait en droit d’évoquer une grammaire analytique où la forme, l’espace, l’expérience de l’inadéquation comme celle de l’incomplétude, cette limite à l’objectivation que la psychanalyse fait éprouver ou encore l’équivoque sont partie prenante du champ analytique tout autant que le sont construction et interprétation et il y aurait bien d’autres expériences à décrire dans la traversée analytique2.

Nos finalités qui consistent à rapprocher l’acte analytique avec la fonction paternelle nous conduisent à interroger, pour illustrer notre propos, l’entame de la jouissance tel que le suppose l’acte analytique, afin de faire surgir un entendement, jusqu’alors méconnu, autrement dit à travers ce concept de jouissance propre à Lacan, se joue principalement une séparation ; au fond la jouissance est une substance, une véritable substance faite de mots et de corps ; cette substance, lorsqu’elle est entamée rétablit la faculté de penser en particulier chez des patients psychotiques et c’est le but ; une séparation a eu lieu. L’acte analytique, voué lui aussi à séparer, ne se rapproche-t-il pas ainsi d’une fonction paternelle ?

Je dois vous dire que je suis très influencé dans ma pratique par le monde des psychoses qui me semble orienter toute pratique analytique y compris dans les névroses. Prenons un exemple presque trivial pour illustrer notre propos ; une femme qui a été confrontée à un père vraiment intrusif sans contrepartie possible du côté de sa mère, laquelle est constamment mise devant le fait accompli par les déplacements de son époux, tant présent tant absent, cette femme garde de son père et de l’homme en lui une image vraiment détestable ; ce père en laissant planer des intervalles imprévisibles transforme tout retour en intrusion, suscite la crainte. Cet homme, le mot est faible, agit comme un despote, privilégiant constamment ses intérêts. Il est porteur d’un discours où rien ni personne ne trouvent grâce à ses yeux, dévalorisant ses cinq filles pour les traiter de prostituées dès lors que se manifeste en elles le moindre signe de féminité ; celle-ci est aussitôt refoulée, vilipendée au nom d’un prétendu ordre moral dont il est lui-même singulièrement absent ; cette femme, la quatrième de ses cinq filles est confrontée aujourd’hui, trente à quarante ans plus tard à l’extinction de toute sensibilité, de tout éprouvé sauf dans un domaine, la danse et en particulier la salsa, qu’elle danse plusieurs fois par semaine et, semble-t-il, remarquablement bien puisqu’elle ne manque pas de cavaliers ; or cette salsa parle, le mot lui-même m’est apparu comme pouvant contenir, dans sa résonance en français, les signifiants de son enfance : salle a ! Le mot salle appartient en effet en propre au discours du père qu’elle a entendu de multiples fois.

Ce signifiant revit en elle comme l’écho introjecté du père ; c’est une chose étonnante mais c’est avec le mot Salsa je crois la manifestation de cette substance jouissante caractéristique de la façon d’habiter le langage chez les humains, qui dans le travail analytique suppose d’entamer, de couper ou encore d’accrocher la jouissance, de l’indexer sur des appuis intelligibles ; en ce sens l’analyse est une conquête sur la substance jouissante. Et pour cette patiente il est malgré tout indispensable de séparer les choses, de se réconcilier avec le père en l’homme ou alors à l’inverse avec l’homme qu’est aussi son père, fut-il abominable ! Autrement dit on pourrait lui suggérer ici de ne pas jeter les hommes avec l’eau du bain ou encore de cesser une guerre qu’elle porte jusque dans son corps, pour enfin danser avec les hommes !


THÉORIE

Puisqu’il est question d’introjection, revenons sur les finalités de l’analyse et sur les différentes facons d’en parler, de les théoriser et en particulier mes réflexions ont précisément porté ces derniers temps sur l’introjection de la méthode analytique elle-même ou ce qui serait plus juste de préciser, l’introjection de son expérience ; il faut sur ce point insister sur l’originalité de la méthode qui n’a pas d’équivalent et qui consiste à se soumettre aux aléas de l’association libre ; c’est-à-dire de se soumettre d’abord à la contingence. Einfall !

Les effets de l’analyse en particulier l’accueil de l’inattendu en dépendent et cet accueil est beaucoup moins défensif au fil des séances par l’épreuve réitérée de la contingence ; celle-ci structure la dynamique générale du côté d’un suspense assorti à un suspens, c'est-à-dire qu’une tension existe entre le setting analytique, le cadre de l’analyse et le contenu de ce qui se dit, qui est en attente de l’effet/sujet, de son émergence, en différentes formes de traduction ; le cadre analytique reproduit structuralement ou structurellement la dyade signifiant/signifié mais dans un mouvement, une dynamique qui vont au-delà et qui peuvent permettre de dégager des fonctions. Ces fonctions avant de les attribuer au père ou à la mère trouvent une actualité dans la mise en acte de la méthode, son génie et me rappellent que Lacan disait de l’analyse que c’est un art paresseux ; la paresse veut dire que a travaille, que les effets traversés par l’analysant sont imputables à la méthode sans que l’analyste qui bien entendu est partie prenante de l’expérience ne soit nécessairement actif !

Il en va en effet d’une traversée du langage favorisée par l’association libre et d’une traversée du transfert. Pour ce dernier, il s’agit classiquement et hors situation psychotique de reproduire une névrose de transfert qui, chose apparemment paradoxale, s’inscrit comme une surenchère sur les différents conflits psychiques traversés en se posant comme le paradigme de ces conflits ; c’est pourquoi la posture de l’analyste doit anticiper la fin dès le début !

Je crois pour ma part à une compréhension des choses qui mette en avant l’expérience ; ceci est fondamental et va avoir des conséquences tout à fait décisives par exemple dans le maniement du silence dont l’analysant mesure les effets à partir d’une bienveillante présence ; je crois que l’analyste doit se garder quoi qu’il en soit de ruiner cette expérience par un trop-de-présence ou par des interventions intempestives ; la musicalité de cet art ne fait pas de doute. Freud n’insiste-t-il pas lui-même sur le rythme, le tact et l’attente croyante ancêtre comme vous le savez du transfert ?

La créativité est liée à l’énonciation de toute parole et, dans le champ de l’analyse elle s’apparente au fait de jouer d’un instrument car l’énonciation y est performative d’emblée ; chacun aura en mémoire le fait que Freud dit qu’une intervention intempestive de l’analyste3 alors que l’analysant est en train d’élaborer ses pensées risque de provoquer un effroi indéracinable ; par conséquent, dès lors qu’il y a dans le setting analytique cette liberté des contenus à partir d’une fixité des procédures selon la formule du psychanalyste américain Kurt Lewin, il faut je crois comprendre cette fixité des procédures comme une occasion de se mettre à l’écoute de tout intervalle ! La formule valorise à partir de la fixité de la forme tout intervalle dont les enjeux sont multiples à commencer par le fait de pouvoir le supporter ! La clinique des psychoses commence à partir de là ; je laisse de coter les développements auxquels pourrait conduire un travail spécifique sur les psychoses mais supporter l’intervalle, l’inconnu, le supposé savoir chez l’analyste et toutes les substitutions auxquelles ces occurrences renvoient est impossible pour nombre de psychoses. Avec les psychoses on est bien dans une pathologie de la substitution.

Mais, à partir de là, sans aller jusqu’aux distorsions à quoi nous confrontent les psychoses, le phénomène d’intrusion auquel peut être confronté un enfant peut se comprendre dans les temps vulnérables qu’il traverse dans la petite enfance comme un événement qui fait trace, pouvant lui aussi créer un effroi indéracinable ; Winnicott dit qu’un enfant y est d’autant plus sensible que son niveau de dépendance est grand et cette intrusion mais aussi ce meurtre d'âme pour parler comme Schreiber est quelque chose dont l’enfant n’aura pas nécessairement la mémoire et il aura besoin si cette expérience précoce a entraîné une peur de la folie, une peur d’être désintégré, une peur de l’effondrement, il aura besoin de rejouer, de refaire cette expérience à l’âge adulte.


SITUATION II

Je veux maintenant vous parler de deux cures où tout au moins la première d’entre elles pourrait rentrer dans le schéma winnicottien ; la longévité du travail analytique de ce patient est impressionnante puisque je suis son troisième analyste ; il est à relever que les deux premiers une collègue belge et un collègue français ont le même nom et bien que l’orthographe ne soit pas la même, cette fixité qui nécessairement porte en filigrane le nom d’un père, cette fixité évoque, est-ce le hasard des rencontres analytiques et y a-t-il véritablement hasard dans ces rencontres, je ne crois pas évidemment, cette fixité évoque, vous allez le comprendre, la problématique de cet analysant.

Disons que sans donner trop de sens à cette reconduction il y a une fixité thématique chez ce patient tel que pour ma part, je ne l’ai jamais rencontrée et pour aller au cœur de ce dont il s’agit, ce patient ne parle, à longueur de séances et depuis des années que de son père !

Quand je dis qu’il ne parle que de son père, c’est exclusivement du père et de son système d’éducation, très peu de sa femme, de ses deux filles ou de son travail sauf pour évoquer les moments de bonheur qu’il a éprouvé dans les pays étrangers où il a séjourné, l’Italie, les États-Unis où à la faveur d’un changement de langue parlée il retrouve un autre espace pour la parole ; a le libère ; Songez que ce haut responsable d’une très importante entreprise française, il est aujourd’hui à la retraite et continue son analyse, aura passé l’essentiel de sa vie active en analyse, et chose tout à fait étonnante sans qu’il soit possible de le distraire de son objet, son père !

Au point que je me suis bien entendu interrogé sur la structure de ce patient, au point que c’est quelque chose que j’évoque sans en avoir la certitude, l’analyse n’est-elle pas chez lui, le lieu d’une suppléance indispensable ? Bref, est-ce une psychose ? Le sujet y soutient sa vérité mais aussi pourrait-on dire son nom ; il est vrai aussi qu’il y a de l’incastrable à ne pas pouvoir se séparer de ce lieu d’énonciation où il s’agit inlassablement de son père et de lui, de lui et de son père et alors que ce patient a fait il y a deux ans un infarctus du myocarde, le délai d’interruption lui aura été si insupportable qu’il a accéléré sa convalescence, harcelant ses cardiologues pour revenir en analyse, pour retrouver la permanence de ce lieu de parole et de plainte ; cet empressement interroge bien qu’il ne soit pas rare et l’infarctus résonne comme un coup d’arrêt que seul le corps peut agir, là encore la chose est loin d’être rare !

Quelque chose l’angoisse trop à devoir lâcher ce père pourtant inquiétant, ce père pour lequel toute écoute au sens d’une vérité élective en chacun de ses enfants est impossible ; c’est un père qui est incapable de parler de lui, d’ouvrir ne serait-ce qu’à minima les portes de l’intime, qui a érigé l’éducation de ses enfants en un système extraordinairement rigide hors de toute humanité en parlant une langue d’autorité équivalente à celle qui était la sienne dans son Entreprise

Ce qui étonne dans cette histoire c’est que c’est un schéma le plus banalement œdipien ; avant dernier d’une famille de six enfants, ce patient aura vécu cinq ans avant la naissance de son frère, dernier enfant de la fratrie dans une relation idyllique avec sa mère ; il en est délogé par la naissance du dernier et, à partir de là fait, dit-il, un rêve de monstre qui pour lui représente le tournant de son existence ; il pense alors que sa mère le lâche, non pas pour le benjamin, mais dit-il tout en déniant le sevrage auquel il est contraint, pour rallier le système paternel ! Se sentant doublement trahi par sa mère qui le livre à la férocité du père tout en lui tant une place de prédilection, la saga de sa plainte commence et ce qu’aucun analyste n’aura réussi à suturer, 7 ans chez le premier, 8 ans chez le second sa vindicte contre le père ne désarme pas ; aucune interprétation n’est vraiment opérante, la rage dans laquelle plus ou moins il baigne est sans commune mesure ; alors bien sr on peut évoquer une structure hystérique mais cela ne satisfait pas la compréhension du cas qui s’affronte à un trop de père qu’il ne peut dé-subjectiver ; signifiant ultime, représentation traumatique le père est tout a en même temps et c’est au fond un persécuteur ; nous approchons de la problématique de Jean Jacques Rousseau !

N’aurait-on pas à faire à une paranoïa dont les anciens disaient qu’elle ne guérit pas mais qu’au mieux elle désarme ? Toutefois si paranoïa il y a, force est de reconnaître aussi une position paranoïaque chez le père qui aura eu des effets sur ses enfants, sans distinction ; Cet excès interroge sur une saturation de l’espace induite par le père comme sur une occupation des mots au point que le fils ne se trouve bien qu’à l’étranger là où on parle d’autres langues ; on comprend mieux dès lors cette parenté entre l’acte analytique où le tact doit prévaloir et la fonction paternelle qui doit susciter un éveil, c’est-à-dire un ailleurs sans forage ; l’intrusion ou la recherche d’une modélisation ici où là ayant des effets catastrophiques.


SITUATION III

Je voudrai maintenant et pour finir évoquer l’histoire d’un homme qui a perdu sa mère à l’âge de 9 ans et, dernier de la fratrie s’est retrouvé seul avec son père alors que ses aînés quittaient peu à peu le domicile parental ; le décès de sa mère après une longue période d’absence due à son hospitalisation est amplifié dans ses conséquences par le décès d’un frère dont il partageait la chambre et qui, peu de temps après le décès de leur mère, décède lui dans un accident de voiture aux états unis.

Dès lors cet homme va être confronté dans un face à face inédit de part et d’autre à son père dont la caractéristique essentielle est qu’il se révèle parfaitement incompétent dans le rôle qui lui est dévolu désormais ; l’absence de grands parents qui auraient pu suppléer à ce double drame amplifie le dialogue singulier qui s’instaure dans la maison ; en réalité ce qui ressort est une forme de dysharmonie constante, des décisions à l’emporte-pièce, des colères et des sautés d’humeur imprévisibles et finalement, là encore un trop de présence du père, cette fois à cause du malaise perceptible chez le fils d’un père incapable de tenir sa place, un père que le fils doit d’une certaine façon soigner, ce dont il est incapable, se réfugiant dans le silence et le retranchement ; plus tard cet homme aura le plus grand mal à se retrouver dans une relation de couple excepté avec une femme dont il m’a semblé que le caractère hystérique ne faisait pas de doute ; elle-même devant reproduire dans la revendication phallique tous azimuts le même désordre que celui qui prévalait dans l’enfance de l’intéressé avec son père.

Si la problématique masculine est hautement dépendante de la problématique phallique chez le père cela suppose que le père précisément puisse en quelque sorte livrer du symptôme tout en l’assumant. Cette imperfection assumée vaut pour castration et d’une façon générale je dirais que si le père ne manifeste pas des signes de renoncement, s’il ne pratique pas une présence en creux tout en étant là, il ne peut que faire du bruit de faon aussi stérile qu’inefficace ; au fond le phallus n’appartient à personne et il est de plus parfaitement imprononçable ; il faut donc que la vectorisation du désir lui donne réalité dans l’énigme ce qu’une femme peut faire en situation amoureuse et par ailleurs l’homme pour assumer sa condition d’homme et a fortiori pour être père doit supporter une impossible objectivation à l’endroit de sa position masculine !

Cette irréalité et cette non-objectivation se retrouve aussi dans l’acte analytique et dans la présence/absence de l’analyste réduit dit Lacan à terme à la position d’objet a c’est-à-dire nul objet ; s’il venait à exister en tant que personne il ruinerait le travail de l’analysant ; cette dé phallicisation de l’analyste, cet art du semblant, cette façon de jouer de l’esquive et de ne pas incarner l’analyste ressemble à ce qu’un homme doit engager de renoncement à être le phallus pour précisément l’avoir ! On retrouve un raisonnement mœbien analogue à la formule déjà évoquée, se passer du père à condition de s’en servir.


CONCLUSIONS

Ainsi avons-nous cherché à dégager trois parentés entre l’analyse structurale de la position du père et par l’analyse des taches dévolues à l’acte analytique : la séparation, le tact ou la non-intrusion enfin le fait de supporter une objectivation impossible de ce qu’est un homme, ce qui revient à transmettre une castration, seule condition pour que la vie d’un fils soit supportable en tant qu’homme.

                                                    

Quelle est la bonne distance pour un père ?


Guy Dana


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Texte présenté à Chengdu lors du colloque franco-chinois

« Masculinité et paternité »

男性与父性

19, 20 et 21 avril 2011

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