Il s’agit d’une thèse présentée à l’Université Paris VIII par une étudiante chinoise le 30 janvier 2010, thèse dirigée par Gérard Wajcman et co-dirigée par Gérard Miller.

Vous trouverez ci-dessous le résumé de la thèse, résumé établi par l’auteure.

L’ensemble de la thèse peut-être téléchargé au format PDF par ici.

GF




La psychanalyse, lieu où l’inconscient parle, est depuis plus un siècle enracinée dans la civilisation européenne. Cette civilisation très différente de la culture orientale, l'est encore davantage de la sagesse chinoise. Quand un discours tout neuf rencontre une civilisation très ancienne, comment, en les étudiant l'un et l'autre, peut-on découvrir quelques idées similaires et trouver la possibilité d'instaurer un dialogue ?

À cet égard, une question fondamentale se pose lorsqu'il s'agit de la pratique de la psychanalyse. Nous nous demandons comment la psychanalyse individualiste et athée, née à Vienne dans un empire en décomposition, pourrait-elle être recevable et transposable dans le monde chinois actuel ? Comment, à la lumière de la théorie et de la pratique, pourrait-on trouver un terrain d'entente pour harmoniser l'entretien clinique et l'école psychanalytique occidentales avec la culture et l'ethnocentrisme chinois ? Comment le monde chinois pourrait-il recevoir ces disciplines ? Comment pourrait-il les adapter à sa vision du monde ? Et d'abord, une séance d'analyse pourrait-elle se dérouler de la même manière à Pékin ou à Shanghai qu'à Londres ou à Paris ?

Il est à noter actuellement qu'à Taïwan se poursuit depuis plusieurs années une réflexion sur une “psychologie indigène” bentu xinli xue.

Nous avons esquissé un panorama des conceptions chinoises pour permettre de comprendre son univers à la lumière de la pensée humaniste, car la pensée freudienne est profondément humaniste.

Fondées sur les théories freudiennes, les pratiques psychanalytiques sont essentiellement de nature individualiste. Il s'agit de reconnaître les problèmes individuels quand ils affleurent dans la pensée chinoise et de discerner dans celle-ci des points de vue similaires à ceux de la psychanalyse.


1 - La psychanalyse s’intéresse au corps, un lieu de l’instrument de la jouissance et également un lieu où s'inscrit, lors de ses manifestations dans le déroulement de la cure, le symptôme dont celui-ci se fait le support. C’est en tant que le corps est connecté à des phénomènes de langage qu’elle l’inclut dans son champ inconscient.

Selon la médecine chinoise, le traitement des maladies mentales repose donc sur une approche purement physiologique, puisque les maladies de l’âme sont de même nature que celles du corps. Les Chinois étant fondamentalement pragmatiques, tout passe par le corps, par la pratique. Elle conçoit dès l’antiquité la pratique de la sexualité comme l’origine de la santé et, par conséquent, aussi bien des maladies que des symptômes psychosomatiques. L’harmonie du yin et du yang est incontournable.

Freud est un contestataire en révolte contre la société viennoise qui réprime la sexualité. La psychanalyse s'est fondée sur la découverte que la neurasthénie est toujours d’origine sexuelle. Nous étudierons la sexualité et le désir dans la pensée médicale chinoise.

La notion du yin-yang n’est pas une conception, ni une intellectualisation, elle est en quelque sorte un fleuve sous-jacent. Elle traverse les événements et les normes établies et les éprouve dans toutes les oppositions symétriques : le masculin et le féminin, le jour et la nuit, l’ombre et la lumière, le Ciel et la Terre, le soleil et la lune, le mouvement et le repos, l’interne et l’externe, etc. Ces oppositions sont perçues comme n’étant jamais absolues. Ces mouvements de croisement, d'approche et d'éloignement représentent les dynamiques psychiques : la liaison et la désunion — tension et décharge. Dans cette conception, le jour représente alors la réalité et la lune le rêve.

La découverte de Freud est d’avoir su lire les formations de l’inconscient comme compromis entre des notions contradictoires. Le conflit de tendances contraires provoque ainsi le refoulement qui ne cesse de faire retour dans les rêves, les symptômes, les lapsus, les actes manqués. Il est obligé de se dissimuler pour satisfaire aux exigences du refoulement. Ainsi Freud arrive à déchiffrer les figures de l’inconscient : le patent et le latent rejoignent l’opposition du yin-yang sur quoi se fonde la sagesse chinoise depuis des millénaires.


2 - Les Chinois ont maintenu le lien entre l’écriture graphique et la pensée divinatoire : l’acte calligraphique où le corps s'engage est l’une des mises en scène privilégiées de leur tradition culturelle. Le sens se loge prioritairement dans cet acte calligraphique qui n’a cessé de véhiculer la pensée traditionnelle, d'enregistrer ce qui ne parle pas et d’offrir des figurations à lire sous les yeux. C'est dans sa forme même que cette écriture parle.

La psychanalyse offre un divan, un espace de parole libre, pour que l'analysant parvienne à appréhender son propre monde intérieur au travers d’une parole libérée, et retrouve désir et force pour envisager ses propres conflits et souffrances, qu'il noue un dialogue entre le monde du conscient et l’inconscient de l’humanité.

Il existe dans le monde chinois une préférence culturelle pour instituer une psychanalyse spécifiquement chinoise et renvoyer à un travail psychanalytique chinois. L’implantation dans le monde chinois du discours analytique, avec ses développements divisés, est un processus en cours. Avant tout, on voit bien que ni la langue chinoise, ni le rapport à l’Autre ne semblent interdire aux Chinois le désir de la psychanalyse. Il suffit de laisser à l’inconscient le temps de s'entendre et au souffle, à la parole, de circuler librement.

Le Tao offre un terrain de choix dans cette culture. Il se présente comme la Mer qui accueille tous les courants, y compris cette voie de la prise de parole, qui s'appelle « la psychanalyse ». Sur cette voie de pratique, dans le terrain chinois, elle va marcher dans le temps avec sa propre allure. La psychanalyse offre un autre chemin, une autre manière de méditation. L'inconscient démontre l'universalité des êtres.

Actuellement, les Chinois sont de plus en plus attirés par le mode de consommation occidentale. Cependant cette nouvelle émergence de l'individualité, ce nouveau rapport à l'autre peut-il faire envisager le symptôme d'une autre manière ?


3 - La voie psychanalytique est universelle mais, avec l'expérience chinoise de la cure analytique, pour le moment, on ne peut rien projeter de ce que les Chinois eux-mêmes traceront. Comme le dit Zhuangzi :

La Voie se trace à mesure qu'on chemine.





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Une autre voie pour les Chinois

ou

Comment la psychanalyse

pourrait-elle s’inscrire dans le monde chinois ?


LU Ya-Chuan


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