Zhuangzi et le papillon


Un jour, le philosophe Zhuangzi s’endormit dans un jardin fleuri, et fit un rêve. Il rêva qu’il était un très beau papillon. Le papillon vola çà et là jusqu’à l’épuisement ;  puis, il s’endormit à son tour. Le papillon fit un rêve aussi. Il rêva qu’il était Zhuangzi. À cet instant, Zhuangzi se réveilla. Il ne savait point s’il était, maintenant, le véritable Zhuangzi ou bien le Zhuangzi du rêve du papillon. Il ne savait pas non plus si c’était lui qui avait rêvé du papillon, ou le papillon qui avait rêvé de lui.

 

Zhuangzi et le papillon

庄子和蝴蝶


有一天,庄子在花园里睡着了。他作了一个梦,梦见他是一只很好看的蝴蝶。它飞到东、飞到西,最后飞累了,就睡着了。蝴蝶也作了一个梦,梦见它是庄子。这时候,庄子醒了。他不知道他现在是真的庄子呢,还是蝴蝶梦里的庄子…他也不知道是他梦见了蝴蝶呢,还是蝴蝶梦见了他。

Quatre concepts fondamentaux - 19/02/1964


    Quelle est notre position dans le rêve, sinon en fin de compte d’être foncièrement celui qui ne voit pas? Il ne voit pas où ça mène, il suit, il peut même à l’occasion se détacher, se dire que c’est un rêve, mais il ne saurait en aucun cas se saisir dans le rêve à la façon dont dans le cogito cartésien il se saisit comme pensant. Il peut se dire « ce n’est qu’un rêve », il ne se saisit pas

comme celui qui se dit, « mais malgré tout je suis conscience de ce rêve».


    Aussi bien Tchouang-Tseu rêve qu’il est un papillon. Ça veut dire qu’il voit le papillon dans sa réalité de regard, car qu’est-ce que tant de figures, tant de dessins, tant de couleurs sinon, ce « donné à voir» gratuit avec ces marques pour nous de la primitivité de cette essence du regard? C’est un papillon qui n’est pas tellement différent de celui qui terrorise l’homme-aux-loups, et Merleau-Ponty en connaît bien l’importance et nous y réfère dans une note.


    - Quand Tchouang-Tseu est réveillé, il peut se demander si le papillon qu’il rêve n’est pas lui, il a raison. Il ne se prend pas pour absolument identique à Tchouang-Tseu. Parce que, étant ce qu’il était, il devait savoir si bien dire qu’effectivement, c’est quand il était papillon, qu’il se sait à quelque racine de ce papillon, que c’est par là, en dernière racine qu’il est Tchouang-Tseu,


    - Quand il est le papillon, il ne lui vient pas à l’idée de se demander si quand il est Tchouang-Tseu éveillé il n’est pas le papillon qu’il est en rêve.


    De rêver d’être... (c’est qu’en rêvant d’être papillon il aura à témoigner plus tard qu’il se représentait comme papillon), ça ne veut pas dire qu’il est captivé. Il est capture de rien dans le rêve, c’est quand il est réveillé qu’il est Tchouang-Tseu pris dans le filet à papillons — la terreur phobique de l’homme-aux-loups, la rayure primitive marquant son être atteint pour la première fois par la grille du désir!






La logique du fantasme - 25/01/1967


    Suivons Freud : rêver qu’on rêve doit être l’objet d’une fonction bien sûr pour que nous puissions dire qu’à tous les coups ceci désigne l’approche imminente de la réalité.


    Que quelque chose puisse s’apercevoir qu’il se rambarde d’une fonction d’erreur pour ne pas repérer la réalité, est-ce que nous ne voyons pas qu’il y a là une voie exactement contraire que l’assertion de ceci : qu’une idée est transparente à elle-même, la trace de quelque chose qui mérite d’être suivis ; pour vous faire sentir comment l’entendre, il me semble que je ne peux pas mieux faire que d’aller grâce au chemin que m’ouvre une fable bien connue, d’être tirée d’un vieux texte chinois : de Tchouang-Tseu, dieu sait ce qu’on lui fait dire, nommément à propos de ce rêve bien connu, de ce qu’il aurait dit à propos d’avoir rêvé de s’être rêvé lui-même être un papillon. Il aurait interrogé ses disciples sur 1e sujet de savoir comment on peut distinguer Tchouang-Tseu se rêvant papillon, papillon qui tout réveillé qu’il se croit ne ferait que rêver d’être autre chose. Inutile de dire que ceci n’a absolument pas le sens qu’on donne d’habitude dans le texte de Tchouang-Tseu, les phrases qui suivent montrent assez de quoi il s’agit, et ça nous porte sur le thème de la formation des êtres et de voies qui nous échappent depuis longtemps dans une très grande mesure, je veux dire quant à ce qu’il en était exactement pensé par ceux qui en ont laissé les traces écrites.


    Ce rêve, je veux me permettre de supposer qu’il a été inexactement rapporté.


    Tchouang-Tseu, quand il s’est rêvé papillon, s’est dit :  ce n’est qu’un rêve, ce qui est tout à fait conforme à sa mentalité, il ne doute pas un instant de surmonter ce menu problème de son identité qu’à être Tchouang-Tseu. Il se dit : ce n’est qu’un rêve, et c’est précisément en quoi il manque la réalité, car en tant que quelque chose qui est le je de Tchouang-Tseu repose dans ceci qui est si essentiel à toute condition du sujet : à savoir que l’objet est vu, il n’est rien qui nous permette de mieux surmonter ce qu’a de traître ce monde de la fiction, en tant qu’il supporterait cette sorte de rassemblement de quelque façon que nous l’appelions : monde ou étendue dont le sujet serait seul support et le seul mode d’existence. Ce qui fait la consistance de ce sujet en tant qu’il voit, c’est-à-dire, en tant qu’il n’a que la géométrie de la vision, en tant qu’il peut dire ceci à l’Autre : ceci est à droite, ceci est à gauche, ceci est en dedans ou en dehors, qu’est-ce qui lui permet de se situer comme je, sinon ceci que j’ai déjà souligné qu’il est tableau dans ce monde visible, que le papillon n’est rien d’autre que  ce qui le désigne lui-même comme tache, et comme ce qu’a d’originelle la tache dans le surgissement au niveau de l’organisme de quelque chose qui fera vision.  C’est bien en tant que le je lui-même est tache sur fond,  que ce dont il va interroger ce qu’il voit et ce qu’il ne peut retrouver et qui se dérobe, cette origine de regard, manifeste à être articulée pour nous que la lumière du soleil pour inaugurer ce qui est de l’ordre du je dans la relation scoptophylique, est-ce que ce n’est pas là, le “ je rêve seulement “ et ce qui masque la réalité du regard en tant qu’elle est à découvrir.


    C’est en ce point que je voulais vous amener aujourd’hui concernant ce rappel de la fonction de l’objet “ a ” et sa corrélation étroite au je. Pourtant, n’est-il pas vrai que quelque soit le lien que supporte, qu’indique comme l’encadrant le jeu de tous les fantasmes, nous ne pouvons pas encore saisir dans une multiplicité au reste de ces objets “ a ” ce qui lui donne ce privilège dans le statut du je en tant qu’il se pose comme désir.


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