L'identification - 24/01/1962


[…] la rime dans les anciennes poésies, nommément celles de Shi Jing qui est un des exemples les plus fabuleux des mésaventures littéraires, puisqu'il a eu le sort de devenir le support de toutes sortes d'élucubrations moralisantes, d'être la base de tout un enseignement très entortillé des mandarins sur les devoirs des souverains, du peuple et du tutti quanti, alors qu'il s'agit manifestement de chansons d'amour d'origine paysanne. Un peu de pratique de la littérature chinoise, - je ne cherche pas à vous faire croire que j'en ai une grande, je ne me prends pas pour Wieger qui, lorsqu'il fait allusion à son expérience de la Chine…, - il s'agit d'un paragraphe que vous pouvez retrouver dans les livres à la portée de tous du père Wieger. Quoi qu'il en soit, d'autres que lui ont éclairé ce chemin, nommément Marcel Granet, dont après tout vous ne perdriez rien à ouvrir les beaux livres sur les danses et légendes et sur les fêtes anciennes de la Chine. Avec un peu d'efforts vous pourrez vous familiariser avec cette dimension vraiment fabuleuse, qui apparaît de ce qu'on peut faire avec quelque chose qui repose sur les formes les plus élémentaires de l'articulation signifiante. Par chance, dans cette langue les mots sont monosyllabiques. Ils sont superbes, invariables, cubiques, vous ne pouvez pas vous y tromper. Ils s'identifient au signifiant, c'est le cas de le dire. Vous avez des groupes de quatre vers, chacun composé de quatre syllabes.



 

Shi Jing

Shijing I. 1.


關睢
關關雎鳩、在河之洲。
窈宨淑女、君子好逑。

參差荇菜、左右流之。
窈宨淑女、寤寐求之。
求之不得、寤寐思服。
悠哉悠哉、輾轉反側。

參差荇菜、左右采之。
窈宨淑女、琴瑟友之。
參差荇菜、左右芼之。
窈宨淑女、 鍾鼓樂之。

 





Shijing I. 2. (17)

行露
厭浥行露、豈不夙夜、謂行多露。

誰謂雀無角、何以穿我屋。
誰謂女無家、何以速我獄。
雖速我獄、室家不足。

誰謂鼠無牙、何以穿我墉。
誰謂女無家、何以速我訟。
雖速我獄、亦不女從。




Shijing I. 2. (20)


摽有梅
摽有梅、其實七兮。
求我庶士、迨其吉兮。

摽有梅、其實三兮。
求我庶士、迨其今兮。

摽有梅、頃筐塈之。
求我庶士、迨其謂之。





Shijing I. 7. (84)


山有扶蘇
山有扶蘇、隰有荷華。
不見子都、乃見狂且。

山有橋松、隰有游龍。
不見子充、乃見狡童。


Shijing I. 1.

 

A l'unisson crient les mouettes
dans la rivière sur les rocs !
La fille pure fait retraite,
compagne assortie du Seigneur !

Haute ou basse, la canillée :
à gauche, à droite, cherchons-la !
La fille pure fait retraite :
De jour, de nuit, demandons-la !
Demandons-la !... Requête vaine !...
de jour, de nuit, nous y pensons !
Ah ! quelle peine !... Ah ! quelle peine !...
De-ci, de-là, nous nous tournons !...

Haute ou basse, la canillée :
à gauche, à droite, prenons-la !
La fille pure fait retraite :
guitares, luths, accueillez-la !

Haute ou basse, la canillée :
à gauche, à droite, cueillons-la !
La fille pure fait retraite :
cloches et tambours, fêtez-la !

Granet LVI.



Shijing I. 2. (17)


(le garçon) — Les chemins ont de la rosée :
Pourquoi donc ni matin ni soir ?
(la fille) — Les chemins ont trop de rosée !
(le garçon) — Qui dit qu'un moineau est sans bec ?
Comment percerait-il mon toit ?
Qui dit que tu es sans mari ?
Comment t'en prendrais-tu à moi ?
(la fille) — Bien que tu t'en prennes à moi,
Le mariage n'est point fait !
(le garçon) — Qui dit, qu'un rat n'a pas de dents ?
Comment percerait-il mon mur ?
Qui dit que tu es sans mari ?
Comment t'en prendrais-tu à moi ?
(la fille) — Bien que tu t'en prennes à moi,
Quand même je ne te suis pas !

Granet XI.

Granet XIV.

Shijing I. 2. (20)

 

Voici que tombent les prunes !
il n'en reste plus que sept !
Demandez-nous, jeunes hommes !
c'est l'époque consacrée !

Voici que tombent les prunes !
il n'en reste plus que trois !
Demandez-nous, jeunes hommes !
c'est l'époque, maintenant !

Voici que tombent les prunes !
les paniers emplissez-en !
Demandez-nous, jeunes hommes !
c'est, l'époque, parlez-en !

Granet XXII.



Shijing I. 7. (84)


Le fou-sou est sur les monts,
les nénuphars aux vallons !
Je n'aperçois pas Tseu T'ou
et je ne vois que des fous !

Les grands pins sont sur les monts,
la renouée aux vallons !
Je n'aperçois pas Tseu Tch'ong
mais d'astucieux garçons !

Granet XXXI.


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