Tong tö



Michel Guibal



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Tong tö [1]



Prélude


J’aimerais commencer par une anecdote. Très souvent me promenant dans les rues de Chine, quelques personnes généralement plutôt féminines me demandent : «你是哪國人? », vous êtes de quelle nationalité ? Ma réponse «法国 », « je suis français », entraîne une exclamation « oh ! romantique » avec l’accent. J’ai mis du temps avant de comprendre peut-être ce que signifiait cette évidence.

C’est en traduisant romantique en chinois 浪漫派作家,传寄性的 que je crois avoir commencé à me faire une opinion.

L’orientation sexuelle de cette qualification ne fut pas sans me surprendre dans la mesure où son rapport avec le grand mouvement qui en Occident l’on nomme le romantisme ne semblait pas dans un rapport immédiat avec ce débordement sexuel. Ainsi le mot orgasme se traduit par 性欲高潮.

Mais pourquoi commencer cette intervention par ce débordement sexuel. L’on pourrait dire que S. Freud n’est pas étranger tout aussi bien J. Lacan à cette émergence du romantisme (allemand pour l’un ; français pour l’autre), c’est-à-dire à la différence sexuelle en tant qu’elle s’oppose à toute science humaine… J. Lacan par une célèbre formule nous indique : « il n’y a pas de rapport sexuel ».

Ce que J. Lacan nous indique là c’est que de la relation sexuelle on ne peut faire rapport, c’est-à-dire, on ne peut faire science au sens de la science issue du siècle des lumières. Il ne peut s’écrire, pas de « mathésis universalis ».

J. Lacan commence son enseignement en nous indiquant que la science psychologique n’est qu’une prétendue science, ne cachant pas, alors son ambition de faire science de la psychanalyse. En fin de parcours il conclut que la relation sexuelle est un obstacle à la scientificité.

C’est ce qui me permet de rejoindre le propos d’aujourd’hui.

Le roman [2] aussi bien en Chine qu’en France a toujours entraîné une certaine méfiance de la part des instances dirigeantes, au point de parfois en interdire la publication, parfois pour des raisons politiques mais le plus souvent parce que le roman en langage vernaculaire risquait de donner des mauvaises idées aux humains qui se rangent dans la catégorie des femmes. Je signale qu’à ma connaissance le Roman des Trois Royaumes (三国) est le seul à n’avoir pas été interdit. De là peut se faire la liaison entre cette acception libertine attribuée au romantisme pour autant qu’on entendre ici le mouvement intellectuel post-siècle des lumières qui en France mais surtout en Allemagne vient s’opposer à l’émergence d’une science qui, se dégageant difficilement de la théologie, va prétendre à envahir la totalité du savoir et de la vérité, dans l’extension de la rationalité, jusqu’à un réel possible.

Voilà ce à quoi J. Lacan va s’opposer : il n’y a pas de science possible de la relation sexuelle. Elle ne cesse pas de ne pas s’écrire.



J. Lacan n’est pas un traducteur

Je fais, ici, allusion à cette phrase que J. Lacan privilégie dans le séminaire XVIII dans son dialogue avec Mengzi, dialogue qui n’est pas celui d’un « philosophe du siècle des lumières », mais d’un psychanalyste lisant Mengzi et devenant de façon ironique lacanien. J. Lacan ne traduit pas cette phrase, bien qu’il connaisse toutes les traductions disponibles en 1971 et que d’autre part il n’a pas attendu les nouveaux maîtres de la langue pour indiquer qu’il ânonne [3] le chinois comme un nigaud. Le nigaud en question dès 1953 était au courant de l’intervention de Staline auprès de Mao Zitong afin de lui conseiller de ne pas alphabétiser la langue chinoise :

Revenons donc posément à épeler avec la vérité ce qu’elle a dit d’elle-même. La vérité a dit : « je parle ». Pour que nous reconnaissions ce « je » à ce qu’il parle, peut-être n’était-ce pas sur le « je » qu’il fallait nous jeter, mais aux arêtes du parler que nous devions nous arrêter. « Il n’est parole que de langage » nous rappelle que le langage est un ordre que des lois constituent, desquelles nous pourrions apprendre au moins ce qu’elles excluent. Par exemple que le langage, c’est différent de l’expression naturelle et que ce n’est pas non plus un code ; que ça ne se confond pas avec l’information, collez vous-y pour le savoir à la cybernétique ; et que c’est si peu réductible à une superstructure qu’on vit le matérialisme lui-même s’alarmer de cette hérésie, bulle de Staline à voir ici. [4]

Il n’œuvre pas à la promotion d’un sujet grammatical comme le XVIIIe siècle en promet l’émergence, mais s’autorise une grammaire de la faute. Ainsi Umbewust qu’il traduira par une bévue, il va lire (xing, hsing, sing), par signe bien qu’il n’ignore pas la traduction officielle chinoise par nature. Il promeut la nature fait signe. Je soutiens que se faisant il se réfère à cette notion de nature qui est un des axes majeurs qui parcourt depuis les Grecs et les Latins la théologie sur laquelle ne cessent de s’appuyer la philosophie et la science pour tenter de s’en séparer.



La nature occidentale

« Et bien que le centre, la surface et l’intervalle soient manifestement trois, pourtant ils ne font qu’un, au point qu’on ne peut même pas concevoir qu’il en manque un sans que le tout soit détruit. » [5]


IV.B.26



Meng tzeu dit : « Partout sous le
ciel, quand on parle de la nature, on veut parler des effets naturels. Les effets naturels ont d'abord cela de particulier, qu'ils sont spontanés. Ce qui nous déplaît dans les hommes qui sont prudents (mais d'une prudence étroite), c'est qu'ils font violence à la nature. Si les hommes prudents imitaient la manière dont Iu fit écouler les eaux, rien ne nous déplairait dans leur prudence. Iu fit écouler les eaux de manière à n'avoir pas de difficultés, (il profita de leur tendance naturelle). Si les hommes prudents agissaient aussi de manière à n'avoir pas de difficultés, leur prudence serait grande. Bien que le ciel soit très élevé et les astres fort éloignés de la terre, si l’on étudie leurs mouvements, on peut aisément calculer le moment du solstice d’hiver pour chaque année depuis dix. » [6]


Mencius dit : Toutes les discussions du monde sur la nature humaine se bornent à des « donc » et des « c’est pourquoi », lesquels ont pour fondement l’intérêt. Ce qu’il y'a de détestable dans l’intelligence, c’est cette façon de perforer. Si elle était semblable à l’écoulement des eaux pratiqué par Yu, elle n’aurait rien de rebutant. Le drainage des eaux par Yu consistait à faire en sorte qu’il n’y ait pas d’incidents. Si elle aussi, suivait sa pente naturelle, l’intelligence n’en serait que plus grande. Si haut que soit le ciel, si lointain que soient les étoiles, à en chercher le « pourquoi », on pourrait parvenir sans bouger à calculer le solstice dans mille ans. [7]


Nous pourrions donc dire aussi que, en tant qu’il est dans le monde, qu’il est sous le ciel, le langage, voilà ce qui fait hsing, la nature.


Ainsi lorsque J. Lacan traduit (comme tout le monde) [8] le caractère chinois par “nature”, cela ne peut donner aucune idée, aux lecteurs français, de ce que représente la notion de Xing en tradition chinoise. Par contre il nous engage à relire son enseignement dans son long, apparaît alors la fréquence soutenue du substantif “nature”, sans parler de l’adverbe “naturellement” ainsi que de l’adjectif “naturel/naturelle”. [9]

Pour les zuozhe (作者) [10] qui pour son chinois traitent J. Lacan de nigaud et tente d’imposer une traduction normalisée, je ne peux que citer J. Lacan lui-même. [11]


La nature constitue à l’évidence l’une des notions fondamentales et originelles de la philosophie occidentale, je dirais depuis les physiologues grecs jusqu’à Jean Patocka et M. Merleau Ponty. L’étymologie nous fait faire retour à Peri Phuseôs et poser la différence avec la substance (ousia) qui sera au cœur du crédo chrétien du Concile de Nicée (passage de “l’homoousios” à l’“homo i ousios”, ce passage de la petite différence aux grandes conséquences). Néanmoins on parle très naturellement des deux natures du Christ.

C’est bien autour de la notion de nature en effet que va se jouer dans ces siècles cruciaux l’émergence de la science comme telle, et de la philosophie se séparant toutes deux de la théologie par laquelle elles sont nées.

Ce n’est pas le lieu ici d’en retracer l’histoire, mais indiquer brièvement que J. Lacan tout au long de son enseignement (qui dérive de l’expérience de la cure) va se situer au coeur de ces deux siècles pour faire émerger au sein des discours le “discours psychanalytique”.


Ce mot nature est au coeur de la rencontre entre la théologie, la philosophie et la science en particulier au XVIIe et XVIIIe siècles qui très « heureusement » se trouvent être les numéros des deux séminaires qui permettent de contextualiser la phrase de Mengzi dont J. Lacan se sert. On pourrait paraphraser F. Jullien et dire : « Le détour de J. Lacan par le chinois lui sert à relancer son enseignement qui consiste à faire une place dans la tradition au quatrième discours : le psychanalytique et non pas à partager une quelconque idéologie “néo-confucéenne” ».

J. Lacan on le sait met en relation chronologique le sujet de l’inconscient avec le sujet de la science. Cette notion de sujet de la science implique que l’on explore avec Lacan l’émergence de la science s’extirpant de l’univers monothéiste et créationiste, cédant la place aux lois de la nature en passant par la cohabitation entre une « théologie naturelle et une philosophie naturelle ». Ces lois seront si je puis dire naturelles (lois qui préexisteraient à toute activité de l’esprit humain) ou bien la nature sera objectivée par une “Mathésis Universalis”. Des patronymes jalonnent ce parcours, patronymes sur lesquels s’appuie J. Lacan tout au long de son enseignement.

Il nous donne Kepler qui pourrait être considéré comme le fondateur de la science par son passage du “cercle” à l’ellipse, il nous donne Newton, Descartes, Galilée et Copernic. J’ajouterais personnellement Anaximandre et IBN al Haytham notre Alhazen [12].

Cette nature objectivée par l’homme ne prend pas en compte l’apport freudien puis lacanien, un apport qui vient de la cure : l’être parlant/parlé.


Je ne peux pas ne pas citer longuement J. Lacan au moment où il intervient sur le chamanisme. En effet nous avons amplement commenté, dans le cadre de mon séminaire, le livre de B. Berthier La dame du bord de l’eau et dans le même élan l’ensemble de son œuvre de sinologue ethnologue sous le nom de B. Baptandier. Ce travail n’est pas sans rapport avec le séminaire chinois dont un chapitre s’intitule « l’homme et la femme ». Ces deux axes nous permettent de mettre en relation les formules de la sexuation de J. Lacan avec les catégories du sexe de B. Baptandier qu’elle, faut-il le signaler, forge à la fois comme femme et comme taoïste. Mais aussi pour dire que J. Lacan n’est pas seulement un idéologue néo-confucéen, mais un lecteur du Mencius des royaumes combattants et à ce titre ouvert aux fondements même de la tradition chinoise qui ne sont pas néo-confucéens. Sans insister lourdement à toutes fins utiles de son rapport au bouddhisme par P. Demieville interposé dès les années 1946.

Sur la magie, je pars de cette vue qui ne laisse pas de flou sur mon obédience scientifique, mais qui se contente d’une définition structuraliste. Elle suppose le signifiant répondant comme tel au signifiant. Le signifiant dans la nature est appelé par le signifiant de l'incantation. Il est mobilisé métaphoriquement. La Chose en tant qu'elle parle, répond à nos objurgations. C'est pourquoi cet ordre de classification naturelle que j'ai invoqué des études de Claude Lévi-Strauss, laisse dans sa définition structurale entrevoir le pont de correspondances par lequel l'opération efficace est concevable, sous le même mode où elle a été conçue. C'est pourtant là une réduction qui y néglige le sujet. Chacun sait que la mise en état du sujet, du sujet chamanisant, y est essentielle. Observons que le chaman, disons en chair et en os, fait partie de la nature, et que le sujet corrélatif de l'opération a à se recouper dans ce support corporel. C'est ce mode de recoupement qui est exclu du sujet de la science. Seuls ses corrélatifs structuraux dans l'opération lui sont repérables, mais exactement. C'est bien sous le mode de signifiant qu'apparaît ce qui est à mobiliser dans la nature : tonnerre et pluie, météores et miracles. Tout est ici à ordonner selon les relations antinomiques où se structure le langage. L'effet de la demande dès lors y est à interroger par nous dans l'idée d'éprouver si l'on y retrouve la relation définie par notre graphe avec le désir. Par cette voie, seulement, à plus loin décrire, d'un abord qui ne soit pas d'un recours grossier à l'analogie, le psychanalyste peut se qualifier d'une compétence à dire son mot sur la magie. La remarque qu'elle soit toujours magie sexuelle a ici son prix, mais ne suffit pas à l'y autoriser. Je conclus sur deux points à retenir votre écoute : la magie, c'est la vérité comme cause sous son aspect de cause efficiente. Le savoir s'y caractérise non pas seulement de rester voilé pour le sujet de la science, mais de se dissimuler comme tel, tant dans la tradition opératoire que dans son acte. C'est une condition de la magie. [13]


La nature [14] fait signe « hsing » chez J. Lacan mais pas seulement en effet pour nous reconduire au XVIIe siècle elle fait signe chez Kepler. Et nous laisserons à G. Simon le soin de nous éclairer [15], comme il a pu nous éclairer sur un sujet qui est au coeur de l’enseignement de J. Lacan, l’avènement de la science d’où découlerait le « sujet de la science ».

Je fais référence ici à son travail sur la transformation du rayon visuel en rayon lumineux que l’on doit à Ibn al Haytham au XIe siècle, ce rayon visuel qui eut besoin de six siècles pour parvenir aux yeux du cher Descartes et d’autres. Car c’est bien autour de la réflexion et de la réfraction que La Science a pu s’extirper aussi bien des causes finales que des causes naturelles.


Il faut noter concernant G. Simon, qu’il indique dans son Kepler astrologue astronome, en faisant allusion à Claude Levi-Strauss, qu’il n’a, lui, nul besoin de s’en aller dans les terres lointaines à la recherche d’une altérité hypothétique, car cette altérité aussi radicale on peut la retrouver en explorant la pensée des siècles passer, en particulier celle qui animait Kepler au XVIIe siècle, qui voit débuter cette longue aventure qui verra émerger la science comme telle, c’est-à-dire mathématique. Il est vrai qu’il est aussi difficile d’entrer dans son Kepler qu’apprendre le chinois ou bien l’hébreu.


Le romantisme allemand

Il vient en opposition avec la suprématie cartésienne qui pour faire vite, disons de la suprématie de la rationalité scientifique et philosophique de délestant avec difficulté ou même impossibilité de l’empire de la théologie monothéiste et créationiste. Cela n’indique pas que le rationaliste allemand se dégagerait d’un Dieu créateur mais il ne considère pas la notion de nature réductible à l’objectivation de la nature par une démarche cartésienne qui nous conduit « in fine » à la croyance en une vérité qui pourrait toute se dire dans le cadre d’une mathésis universalis extensible jusqu’aux sciences humaines, linguistiques en particulier. [16]

Cette position particulière du romantisme allemand se rapproche peut-être le plus du xing chinois () qui s’étant délesté du Dieu créateur à tout le loisir d’intégrer l’homme dans la vaste dimension d’une entité cosmique.

Il nous faut relier cette prétention de la rationalité scientifique et philosophique à dire la vérité à la célèbre énonciation de J. Lacan : Moi, la vérité Je parle, mais est-ce que la vérité dit la vérité, qui maintenant chacun le sait ne peut que se « mi-dire » [17]. Il s’oppose à ce qui, par cette rationalité triomphante, a forgé la notion d’un sujet grammatical à quoi certain réduisent J. Lacan, alors que j’aurais une certaine tendance à dire que la psychanalyse lacanienne donc freudienne élabore plutôt une grammaire de la faute, c’est-à-dire des bévues, une bévue : unbewust, , hsing, sing, xing=signe : c’est pouquoi « la nature fait signe ».

C’est bien l’élan du romantisme qui a produit au XIXe siècle l’émergence de la théosophie, du magnétisme, du mesmérisme, élan à partir duquel S. Freud s’élancera dans une toute autre direction celle de la « talking cure », sans éviter d’une certaine tendance au scientisme. C’est bien ce que J. Lacan reprendra de S. Freud : L’interprétation des rêves, Le mot d’esprit dans son rapport avec l’inconscient, La psychopathologie de la vie quotidienne, pour aboutir à la notion d’un être parlant/parlé. Ce n’est pas dire que c’est J. Lacan qui le premier a remarqué que la nature humaine se différencie de la nature animale, végétale, minérale, du fait du langage, ne serait-ce que Gallien l’aurait devancé.

L’être parlant/parlé de J. Lacan est celui provient de la cure seul lieu où l’on peut se dire psychanalyste. La philosophie de la nature, les sciences de la nature (natur philosophie, natur wissenschaft) du romantisme, de même que J. Lacan, ne réduisent pas l’homme dans sa quête de vérité à la particularité du langage, le réel de J. Lacan.


La nature fait signe chez LACAN

Le sing ou le hsing () fait signe [18]


Quand nous abordons le sujet, nous savons qu’il y a déjà dans la nature quelque chose qui est son Es, et qui est structuré selon le mode d’une articulation signifiante marquant tout ce qui s’exerce chez ce sujet de ses empreintes, de ses contradictions, de sa profonde différence d’avec les cooptations naturelles. [19]

Le semblant dans lequel le signifiant est identique à lui-même, c'est un des pôles du terme de semblant, c'est le semblant dans la nature, ce n'est pas pour rien que, lisez Rabelais… qu'aucun discours qui évoque la nature n'a jamais fait que de partir de ce qui dans la nature est semblant. Car la nature en elle-même, je ne parle pas de la nature animale, dont il est bien évident qu'elle en sait un bout. C'est même ce qui fait qu'il y a de doux rêveurs… Pensez que toute entière la nature animale, n'est ce pas, des poissons aux oiseaux, chante la louange divine, ça va de soi. Pourquoi ils ouvrent comme ça quelque chose, une tête, une bouche, un opercule ? C'est un semblant manifeste, et elle nécessite cette nuance quand nous entrons dans quelque chose dont l'efficace n'est pas tranché pour la simple raison que nous ne savons pas comment cela s'est fait qu'il y a eu si je puis dire accumulation de signifiants. Car les signifiants, je viens de vous le dire, sont répartis dans le monde, dans la nature, ils sont là à la pelle.

Qui ne voit pas que l'économie, même celle de la nature, est toujours faite de discours, celui-là ne peut saisir que ceci indique qu'il ne saurait s'agir ici de la jouissance qu'en tant qu'elle est elle-même non seulement fait, mais effet de discours. Si quelque chose qui s'appelle l'inconscient peut être mi-dit comme structure langagière, c'est pour qu'enfin nous apparaisse le relief de cet effet de discours qui jusque-là nous paraissait comme impossible, à savoir le plus-de-jouir.

Si vous n'êtes pas complètement sourdingues, vous avez quand même pu remarquer que la première chose qui valait la peine d'être retenue dans ce que je vous ai dit dans le premier entretien, c'est que le signifiant, j'ai bien insisté, il cavale partout dans la nature. Je vous ai parlé des étoiles, des constellations, plus exactement… il y a étoile et étoile. Depuis des siècles quand même… Le ciel, c'est ça, c'est le premier trait, celui qui est au-dessus, là qui est important. C'est un plateau, un tableau noir puisque l'on me reproche de me servir du tableau noir, c'est tout ce qu'il nous reste comme ciel, mes bons amis, c'est pour cela que je m'en sers, pour mettre dessus ce qui doit être vos constellations.

Si on se met à se dire des choses à soi-même comme il s'exprimait, le dit japonais, textuellement, si on se met à se dire des choses à soi-même, pourquoi ça ne glisserait-il pas vers l'automatisme mental parce qu'il est tout de même bien certain que, conformément à ce que dit Edgar Morin dans un livre qui est paru récemment et où il s'interroge sur la nature de la nature, il est tout à fait clair que la nature n'est pas si naturelle que ça, c'est même en ça que consiste cette pourriture qui est ce qu'on appelle généralement la culture. La culture bouillonne, comme je vous l'ai fait remarquer incidemment. Oui. [20]


La nature fait signe de quelque chose pour quelqu’un dans la catégorie de la nature animale : soit il y a une proie à manger, soit un prédateur me traque, soit il est l’heure de se reproduire. Il y a aussi les catastrophes naturelles dont les signes sont très bien compris par les animaux, alors que les hommes (du fait du signifiant ?) ne savent pas les lire aussi précocement.

Ces mêmes signes sont lus par l’homme (l’être parlant/parlé) comme des signifiants, il y a en effet une grande différence entre la nature animale et la nature humaine que J. Lacan réduit à la nature de l’être parlant.


Je ne peux pas ne pas traduire en langage lacanien cette division de la nature en quatre catégories, bien que J. Lacan ne cite qu’une seule fois Scot Erigène et pour d’autres raisons. [21]


Qui n’est pas créée mais qui créer

Dieu considéré comme père et cause première

qui cesse de ne pas s’écrire


La nature qui étant créée, crée à son tour

le Verbe ou le milieu et le médiateur des choses

qui ne cesse pas de s’écrire.


la nature qui est créée et ne peut créer

la créature

qui cesse de s’écrire

Qui n’est pas crée et qui ne créer pas

Dieu considéré comme fin dernière

Qui ne cesse pas de ne pas s’écrire. [22]


On ne peut que mentionner un retour, dans la modernité, de chrétiens à la loi naturelle, un nouveau panthéisme ? [23]


Trois panthéistes

J’aime bien notre Zhuangzi,

Car j’aime son panthéisme

Car j’aime en lui l’homme qui, pour vivre, tressait des souliers de paille

J’aime bien Spinoza de Hollande,

Car j’aime son panthéisme

Car j’aime en lui l’homme qui, pour vivre, polissait le verre

J’aime bien Kabir de l’Inde,

Car j’aime son panthéisme

Car j’aime en lui l’homme qui, pour vivre, maillait des filets


L’être parlant/parlé va prendre une place essentielle (non pas que par avant la différence de l’espèce humaine n’avait pas été déjà située au niveau de la capacité de la parole), en tant que l’homme n’en serait pas le maître. Le je pense donc je suis mais bien l’accent sur la pensée et non pas le langage (même si de nombreux travaux indiquent que la pensée dépend du langage). Le débat entre H. Ey et J. Lacan sur la “causalité psychique” au colloque de Bonneval de 1946 ne peut que se situer dans la question générale de la causalité tel qu’il émerge dans ces siècles dits des lumières.

Les causes finales ainsi que le souverain bien comme cause se mettent en rivalité avec les causes matérielles, efficientes. Les sciences de la nature se situeront entre des lois dictées par Dieu et celles dictées par l’homme dans une Mathésis Universalis qui vont objectiver la nature. L’empire de la raison triomphante se heurtera à une opposition s’exprimant dans le mouvement de la renaissance et la Naturphilosophie à dominante allemande. Ce romantisme n’est pas sans concerner la psychanalyse dans la mesure ou, contrairement à la philosophie rationnelle, c’est dans son sein qu’est venue avant S. Freud la notion d’inconscient. Un inconscient lié à une philosophie de la nature humaine en particulier qui ne voyait pas la différence entre l’espèce humaine et animale mais plongeait l’espèce humaine dans un grand tout incluant le minéral lui-même. Là se situe le mesmérisme, les théosophes, le vitalisme etc.

S’il est vrai que J. Lacan après S. Freud place la séparation au niveau du langage, il est aussi vrai qu’il place Galilée (bien qu’il le préfère à Copernic) comme un fieffé conservateur.

Que la nature fasse signe chacun le sait, l’apport de J. Lacan est d’introduire le signifiant dans son rapport à la nature et non pas au signal. La nature fait signe de quelque chose pour quelqu’un c’est ce qui régit le rapport de l’animal à la nature. La nature ne fait plus signe de rien à la science qui lui dicte ses lois qui finiront à ne plus être dictées par Dieu, au psychanalyste J. Lacan elle fait signifiant. Cela laisse une chance à cette nature qui pré-existe à l’homme et qui échappe au Dieu du monothéisme hébraïque et islamique. À partir de là reste ouvert le débat entre le créationnisme et l’évolutionnisme dont J. Lacan a précisé que si le créationnisme est une hypothèse, l’évolutionnisme aussi.

Il semblerait que le romantisme allemand pour autant qu’il se séparerait du Dieu créateur serait une bonne passerelle pour des échanges mutuels avec le xing chinois. L’obstacle pour le passage de la psychanalyse occidental (française) en Chine non pas formé par le Dieu créateur mais par l’être parlant/parlé. C’est pourquoi J. Lacan invite les Chinois à aller le chercher dans Mengzi. J. Lacan note une différence entre la nature animale et la nature de l’être parlant. C’est cette partie qui reste à explorer si l’on ne se borne pas soit à réduire J. Lacan à un “sujet grammatical” en partant d’une phrase de Mengzi qu’il se bornerait à traduire comme un nigaud, mais que l’on se penche sur ce qu’il dit dans la suite. Guy Flecher, Guy Sizaret et Laurent Cornaz, chacun dans son style, ont produit un travail sur cette phrase qui remet à sa juste place J. Lacan qui lit Mengzi comme un psychanalyste et qui devient ironiquement lacanien. Pour mon compte je vais rechercher les deux termes dans Mengzi auxquels J. Lacan fait allusion par lesquels ils nous indiquent une différence infinie, alors que Mengzi ne signale qu’une différence infime.

Yan Helai dans son article montre comment la métaphore végétale, largement utilisée dans le Mengzi [24] pour gloser sur la nature humaine, dépend de la structure de la langue chinoise. Mais l’on trouve aussi dans le Mengzi la différence entre la nature humaine et animale. La structure de la langue vient faire écho à cette expression française : « En chaque homme un cochon sommeille ».

Prenons par exemple le caractère jia () comme suffixe pour indiquer la personne qui exerce telle ou telle activité. Jingshenfenxi (精神分析) qui signifie psychanalyse. Si vous y ajoutez jia vous obtenez psychanalyste (精神分析). Si l’on décompose le caractère jia on a le toit qui signifie “le porc” (zhu). L’on voit que la clé sémantique de ce caractère est celle pour les animaux. Il y a donc chez les psychanalystes un porc qui sommeille. La composante phonétique zhe s’écrit (proche de zhu). Ce caractère est utilisé, lui aussi, comme suffixe pour indiquer la personne qui fait tel ou tel métier, par exemple zuozhe (作者) qui signifie écrivain. Surprise, dans chaque écrivain il y aurait un porc qui sommeille. Mais l’on peut étendre le bestiaire jusqu’aux abeilles qui se nichent dans des essaims. Ces essaims d’abeille si chers à Saint François de Sales, ils sécrètent leur miel. Métaphore animale reprise par le frère de J. Lacan qui développe ce trajet qui va du berger (Jésus) des bénédictins jusqu’à Saint François de Sales. J. Lacan nous indiquera :

Soyons justes, le progrès humaniste d’Aristote à Saint François (de Sales) n’avait pas comblé les apories du bonheur. [25]




De la nature occidentale au chinois

« La nature est radicalement différente de celle de Linné, pour Buffon, il existe une distance infinie entre la nature animale et celle de l’homme. » [26]


Nous laisserons à Yan Helai le soin de développer ses remarques concernant le xing chinois, mais pour ce qui me concerne je vais m’aventurer en territoire chinois à partir de cette phrase de J. Lacan, par laquelle il s’aventure lui aussi jusqu’à supposer dans le Mengzi des traces de l’être parlant, sinon de l’être parlé.


Comme on peut le voir la différence entre la nature animale et la nature humaine est au choix infinie ou infime. C’est ce que J. Lacan propose de rechercher chez Mengzi

En effet, cette nature n'est pas, au moins dans Meng-Tseu n'importe quelle nature, il s'agit justement de la nature de l'être parlant, celle dont, dans un autre passage, il tient à préciser qu'il y a une différence, entre cette nature et la nature de l’animal, une différence, ajoute-t-il, pointe-t-il, en deux termes [27] qui veulent bien dire ce qu'il veut dire, une différence infinie et qui peut-être est celle qui est définie là [28].


Quand J. Lacan parle de la nature de l’être parlant, c’est évident, il introduit tout son enseignement. Remarquons qu’il ne parle pas de la nature humaine. Il faut remarquer que nous avons un génitif qui nous fait entendre qu’il s’agit de la nature du point de vue de l’être parlant et pas seulement de l’être parlant en tant qu’il aurait une nature. L’avènement de la science est justement celle construite par l’homme, cette nature objectivée (mathématique et logique). La psychanalyse freudienne et lacanienne sur cette science avancera le sujet de la science.

Il indique qu’il le retrouve dans le texte en faisant allusion à deux termes, mais en se gardant bien de nous indiquer, cette fois, une référence précise. C’est donc maintenant qu’il nous faut les chercher et avant que de passer la plume à Yan Helai pour ce qu’il en est du xing chinois, je m’autorise à faire une incursion, une nouvelle fois dans le texte chinois, à la recherche de ces deux termes, et de cet hypothétique être parlant, « sinon parlé », chinois.


Partons à la recherche de ces deux termes. Je pense avoir trouvé deux passages dans Mengzi qui contiennent ces deux termes.


VII.A.16


Meng tzeu dit : Lorsque Chouenn vivait au fond d’une montagne, demeurant au milieu des arbres et des rochers, allant et venant au milieu des cerfs, des sangliers ; il ne paraissait pas différer beaucoup des sauvages habitants des montagnes. Quand il entendait une bonne parole ou qu’il voyait une bonne action, (il s’empressait d’en faire la règle de sa conduite), semblable au Kiang ou au fleuve jaune, qui, après avoir rompu ses digues, répand partout ses eaux, et ne peut être arrêté. [29]


孟子曰:舜之居深山之中,與木石居,鹿豕遊。其所以異於深山之野人者,幾希。及其問一善言,見一善行,若快江河,沛然莫之能禦. [30]


Mencius dit : « Lorsque Shun habitait au fond des montagnes, entre les bois et les rochers, errant parmi les cerfs et les sangliers, presque rien ne le distinguait des sauvages de la montagne profonde : entendait-il une bonne parole, était-il témoin d’une bonne action ? Rien ne pouvait plus arrêter sa volonté d’en répandre l’exemple, tel un fleuve qui brise ses digues. » [31]


IV.B.19

Meng tzeu dit : « Ce par quoi l'homme diffère des animaux, n'est presque rien. La masse du peuple le perd ; le sage le conserve. Chouenn réglait toutes choses avec une rare intelligence, et remplissait tous ses devoirs envers les autres avec un discernement remarquable. Il suivait (comme naturellement) ses sentiments d'humanité et de justice, et pratiquait ces deux vertus sans effort. » [32]

孟子曰:“人之所以异‭(‬yi‭)‬于禽于兽者几希‭(‬jixi‭)‬,庶‭(‬shu‭)

之,君子存之。舜明于庶物,察于人伦,由仁义行,非行仁义也” [33]


【释义】孟子说:“人和禽兽之间的差别就在于那么一点点,普通的人都抛弃它(知荣知耻),君子却保存它(知荣知耻)。舜明白事物的规律,详察人与人之间的常情,一切从自己的仁义本性出发做事,而不是把仁义作为工具来使用” [34]

«Ce qui distingue l’homme de l’animal est des plus ténus. Les gens ordinaires le rejettent tandis que l’homme de qualité le conserve. Eclairé en toutes choses, Shun discernait la spécificité des relations humaines ; il ne pratiquait pas l’humanité et l’équité, mais était mu par elles dans toutes ses actions » dit Mencius. [35]


IV.B.28.

Ce troisième passage ne contient que le terme différence

Meng tzeu dit : « Le sage diffère des autres hommes, parce qu'il conserve (les vertus que la nature a mises en son cœur. Il conserve en son cœur la bienveillance et l'urbanité. Un homme bienveillant aime les autres) ; un homme poli respecte les autres. Celui qui aime les autres, en est toujours aimé.

Ce qui différencie l'homme de qualité des gens ordinaires, c'est la préservation du coeur. Il le préserve par l'humanité et la courtoisie. L'humanité est l'amour des hommes, la courtoisie le respect d'autrui. Qui aime autrui en sera constamment aimé ; qui respecte autrui en sera. » [36]


Il semble bien que les deux termes que J. Lacan nous indiquent soit justement ce « yi » () et ce « ji » (), mais ici dans le Mengzi la différence (yi ) est « infime » (幾希 jixi). [37]


Ainsi le seul passage dans le Mencius où il est question d’une différence de nature entre le règne animal et l’humain, n’indique pas que cette différence est infinie mais infime. J’ai pendant un instant pensé qu’il pouvait exister une erreur, la différence entre infinie et infime étant très ténue, à tel point que vérifiant avec mon scanner et sa reconnaissance des caractères, j’ai pu constater que souvent il confondait ces deux mots. Mais j’ai aussi vérifié en écoutant l’enregistrement « audio » du séminaire qu’effectivement J. Lacan dit bien infinie, comme d’ailleurs pouvait le laisser entendre la proximité avec le mot défini


L’explication se trouve peut-être dans cet extrait, qui montre le passage d’une chose infime qui peut avoir des conséquences infinies,

L’idée fondamentale du Zhengmen [38], celle qui fait l’objet des premières pages, est qu’il n’existe pas au monde qu’une seule réalité qui est l’énergie universelle dont le ying et le yang sont les deux aspects ; ce sont les deux phases d’un cycle continu. Cette énergie emplit l’espace cosmique à la façon d’un épais brouillard et y est animée de mouvements minimes (ji) de scission et d’absorption, d’attraction et de répulsion, qui conduisent à d’immenses « courants et débordements » [39]


Xu Dan apporte sa contribution : « une seule étincelle peut commencer un feu de prairie » :

星星之火可以燎原

Notons que la première phrase de la méthode Assimil de chinois est « La Chine est grande et le Japon est petit, zhong guo da ruben xiao ». Certes le japon est petit mais il a une grande importance.

Le fondement de la religion chrétienne repose bien sur le « credo » à partir du passage de homoousios à l’homo i ousios, il s’en est fallu d’iota. Mais les conséquences sont infinies [40].

Mais en quoi cette différence concerne l’être parlant. Il faut chercher ailleurs dans Meng zi.

Je pense avoir trouvé la réponse dans ce passage [41].

III.A.4


J. Lacan nous indique qu’il y a une coupure entre la culture et la nature, il n’est pas évident que cette coupure soit opérante en univers chinois, de même que la coupure entre le corps et l’âme.

1. L’homme a la loi naturelle gravée dans son coeur ; mais s’il est bien nourri et bien vêtu, s’il demeure dans l’oisiveté et ne reçoit aucune instruction, il se rapproche de la bête. Les très sages empereurs (Iao et Couenn) eurent à cœur l’instruction du peuple. Ils nommèrent Sie ministre de l’instruction, et le chargèrent d’enseigner les devoirs mutuels, afin qu’il y eût l’affection entre le père et le fils, justice entre le prince et (le sujet, distinction entre le mari et la femme, gradation entre les personnes de différents âges, fidélité entre les amis.

  1. 2.Mais il en est ainsi de la voie humaine : s’il est rassasié, au chaud et demeure à l’aise, mais sans recevoir d’éducation, l’homme restera proche de la bête. Le saint s’en souciait aussi : il chargea Xie [42] de l’instruction publique afin de leur enseigner les relations humaines fondamentales-l’affection entre le père et le fils, l’équité entre le prince et le sujet, la distinction entre les hommes et les femmes, la hiérarchie des âges entre jeunes et aînés, la confiance entre ami. [43]


Traduction du wenhua en baihua (Traduction intralinguistique)

【释义】人作为人,有自己的根本原则,吃饱了,穿暖了,过上了安逸的生活,如果没有接受正确做人处世的教育,就和禽兽差不多。因此圣人又为此而担忧,便委派契担任司徒,教给人们符合自然规律的人伦道德,即:父子之间有骨肉亲情,君臣之间有礼义之道,夫妇之间有内外之别,老少之间有长幼之序,朋友之间有真诚之信

C’est ici qu’apparaît le caractère :

Dans le Ricci on le retrouve, avec son radical da大.

S’il est prononcé

1. Pacte ; contrat ; convention ; (anc.) texte écrit sur une tablette de bois que l’on divisait en deux moitiés destinées à chacun des contractants. 2. (Adm. impér.) Insigne (plaquette) en deux parties servant de tessère, contremarque ou mandat. 3. (Sigill.) a. Sceau. b. Sceau officiel (pendant la révolte de 李自成 Li Zi cheng, 1605-1645 ; fin de la dyn. Ming). 4. Graver ; sculpter ; ciseler. 5. (Divin.) Poinçon que les devins chauffaient au rouge et appliquaient sur les carapaces de tortue pour provoquer les craquelures soumises à la divination. 6. S’entendre ; être d’accord, de mêmes goûts. 7. Coïncider ; aller ensemble ; se compléter mutuellement. Grand ami ; âme sœur. 8. (anc.) Quipo ou quipu : cordelette à nœuds ou baguette de bois encochée, servant à transmettre des messages ou à inscrire des événements (utilisée surtout avant l’invention de l’écriture). 9. Couper ; arrêter. 10. Ds 契丹 qì dān (Hist.) Kitans ou Kitai : Tatares qui fondèrent dans le nord de la Chine la dyn. Liao (907-1 125), renversée par la dyn. Jin (1115-1234) des 女眞 Ru zhen ou Jürchen. – Note : Le mot « Kitan » a probablement donné le mot « Cathay ».


S’il est prononcé Xiè : on retrouve le même sinogramme signifiant Ministre de shun dont un descendant fonda la dynastie Shang .

(Hist.) Xie : ministre de Shun, dont un descendant fonda la dyn. Shang (1765-1122 A.C.).


— avec la clé de la main : inciser la carapace de tortue, consulter l’oracle. Convention écrite, contrat.

Prononcé qie, il comporte d’autres significations.

prononcé qie avec la clé de l’acier et la signification : graver, ciseler.


Un des mythes concernant la naissance de l’écriture est celui de Cang jie

庶業其繁

Il existait beaucoup de métiers agricoles


Huangdi chargea Can Jie

de regarder les traces des pieds des oiseaux et des animaux


Il est le premier à inventer l’écriture


et connaître leur logique pour en distinguer les différences.


飾偽萌生                

黃帝之史倉頡         

見鳥獸蹄迒之迹 

知分理之可相別異也。

初造書契

百工以乂

万品以察. [44]   


Ce mythe de l’invention de l’écriture sous les ordres de Huang Di par Cang Jie implique l’antériorité d’un lecteur des signes de la nature dont parle Lacan, mais cette lecture n’est plus celle de l’animal (la nature fait signe de quelque chose pour quelqu’un), c’est celle de l’être parlant/parlé qui des signes fera des signifiants dont la nature foisonne. Ce lecteur des signes de la nature parle donc avant que de transformer sa lecture en écriture.


Se-ma Ts’ien : Mémoires historiques ; Annales principales des Trois Souverains

T’ai-hao Pao-hi avait pour nom de clan Fong. Succédant à Soei-jen, il continua le Ciel et régna.

[Sa mère s’appelait Hoa-siu ; elle marcha dans les empreintes de pas d’un géant auprès du marais de Lei ; et c’est à la suite de cela qu’elle enfanta P’ao-hi à Tch’eng-ki. Il avait un corps de serpent et une tête d’homme).]

Il eut une vertu sainte.

[Levant la tête, il contempla les figures qui se trouvent dans le ciel ; baissant la tête, il contempla les formes qui sont sur la terre. — Autour de lui il contempla les bigarrures des oiseaux et des animaux, ainsi que ce qui convient au sol. — Au près, il prit en considération toutes les parties de son corps ; au loin, il prit en considération tous les êtres. Il fut le premier à tracer les huit trigrammes grâce auxquels il pénétra l’efficace des esprits divins et grâce auxquels il sépara par classes les natures des êtres.]

P’ao-hi signifie « élever des animaux pour la cuisine » et ce nom est souvent remplacé par celui de Fou-hi qui signifie « soumettre des animaux domestiques ». La raison d’être de ces noms sera donnée plus loin par Se-ma Tcheng.


En poursuivant la lecture des séminaires de J. Lacan j’ai remarqué un autre passage dans lequel apparaît ce « ji » de la petite différence.

J. Lacan fait référence [45] à un texte chinois [46] dans lequel apparaît ce caractère ji  : il apparaît en effet une phrase en chinois : (schéma de gauche qui concerne la topologie chinoise réduite à un cercle) : san qian niandai ji ren zhi (三千年代), J. Lacan va ensuite la transformer, pour suivre le fil de son enseignement (sa topologie), en (schéma de droite) : san qian nian qian ji ren zhi ye. (三千年前人知也). J. Lacan traduit la proposition chinoise par « dans trois mille ans, combien d’hommes sauront ? », puis il traduit sa proposition personnelle par « dans trois mille ans, bien avant, les hommes sauront ». Il est à remarquer qu’il traduit ji (), par « combien », sans préciser toutefois que cet interrogatif concerne les « petites quantités », et que dans sa propre « calligraphie » (figure 3) comme il dit le ji () manque, ce qui laisse entendre que les hommes dans leur ensemble ren sauront, et c’est ainsi que l’on passe d’une petite quantité à une infinité.


Il me convient bien, maintenant, de faire remarquer que c’est dans cette séance que J. Lacan en revient au chinois à propos de la poubellication, car je considère qu’il y a effectivement dans le voisinage des revues et des livres qui mériteraient de finir dans l’invention du sieur Poubelle


, forme simplifiée de , désignait, dans l’antiquité, une table basse sans doute à cause de la petitesse de l’ustensile d’où la petite quantité.

désigne le garde frontière mais aussi une petite quantité : les gardes frontières doivent être attentifs aux moindres mouvements fussent-ils aussi minces qu’un fil de soie.

Composed of (yāo) 'small' (doubled), and (shù) 'frontier guard'. (Frontier guards "are attentive to the least movement, to the smallest event" --Wieger.).

C’est bien ce garde frontière qui apercevant une petite personne désirant passer à l’ouest lui demanda en échange d’écrire un texte. C’est ainsi que cette petite personne est devenue Laozi.


Pour en finir avec ces « deux termes », je ne peux pas ne pas signaler que F. Jullien fait référence à ces deux termes, pour nous indiquer [47]:

En se déployant, ce « presque rien » [48] peut aboutir au plus grand effet. On le vérifie en lui mettant en parallèle cette autre formule : « ce par quoi l’homme diffère des animaux est presque rien : la masse des gens le perd, l’homme de bien le maintient présent » [49]

Nous notons qu’il ne se réfère pas en 1995 au séminaire XVIII de J. Lacan qui en 1971 abordait déjà le même sujet. Le savait-il ?



De l’oral à l’écriture


Comment à partir de l’enseignement oral passer à son écriture dans la mesure où l’alphabétique ne lui suffit pas. Toutes les autres formes seront explorées et pour commencer les graphes. Et là il importe de citer J. Lacan :

Vous ne l’ignorez pas la linguistique a commencé avec Humboldt par cette sorte d’interdit, de ne pas se poser la question de l’origine du langage, faute de quoi on s’égare. Ce n’est pas pour rien que quelqu’un, en pleine période de mystifications génétique — c’était en effet le style au début du siècle XIX —, ait posé que rien, à jamais, ne serait situé, fondé, articulé, concernant le langage, si l’on ne commençait pas d’abord par interdire les questions de l’origine.


Référence évidente à la question des langues indo-européennes, et de la langue mère (le sanscrit) et les conflits (principalement en Allemagne qui cherchait à promouvoir l’indo-germanique liant la génétique linguistique avec la génétique biologique. Il est clair que ces travaux sur les langues indo-européennes (avec leurs prolongements culturels et politiques pour ne pas parler des années noires de 1933-1945) sont bien plus avancés que ceux concernant les langues asiatiques.

Mais poursuivons les citations :

C’est en ça que l’écrit se différencie de la parole, à l’en beurrer sérieusement, mais naturellement non pas sans inconvénients de principe, pour qu’il soit entendu.


Et plus loin :

C’est de la parole, bien sûr, que se fraie la voie (la voix) vers l’écrit.

Mes Écrits, si je les ai intitulés comme ça, c’est qu’ils représentent une tentative d’écrit, comme c’est suffisamment marqué par ceci, que ça aboutit à des graphes.


Ensuite :

C’est d’une parole qu’il s’agit, en tant qu’elle tend à frayer la voie à ces graphes. Il convient de ne pas oublier cette parole, pour la raison qu’elle est celle même qui se réfléchit de la règle analytique, qui est, comme vous le savez- Parlez, parlez appariez, il suffit que vous parliez, voilà la boîte d’où sortent tous les dons du langage, c’est une boîte de Pandore.


Je fragmente les citations, mais pour vous inviter à lire dans son long le séminaire XVIII.

À quelle distance est mon discours analytique tel qu’il est ici défini par cette disposition écrite, à quelle distance est-il du cabinet analytique ? C’est précisément ce qui constitue ce que nous appellerons mon dissentiment d’avec un certain nombre de cabinets analytiques.

Voilà donc l’écrit en tant que c’est quelque chose dont on peut parler.


Ce qui n’est pas le cas de la parole ; il n’y a pas de métalangage.

Parlant d’un Congrès sur l’écriture qui en conclusion indique que : l’écriture c’est des représentations de mots, J. Lacan nous dit : 

Cela devrait tout de même vous dire quelque chose, Vorstellung. Freud écrit ça, et il dit que c’est le processus secondaire. Naturellement, tout le monde rigole —on voit bien ici que Freud n’est pas d’accord avec Lacan » — alors vous vous imaginez que vous vous représentez des mots. C’est à se tordre. Soyons sérieux. La représentation de mots, c’est l’écriture.


Enfin il faudrait citer tout le séminaire, mais pour soutenir quoi ? Pour ouvrir la voie vers toutes ces écritures que J. Lacan va utiliser avec la même finalité : maintenant on peut parler, faire entendre sa voix.

Toutes ces écritures : cunéiformes, hébraïques, logiques, chinoises et finalement (pour conclure) topologiques.

Pour la langue hébraïque (les langues sémitiques) il n’est pas besoin d’aller bien loin pour trouver les mêmes intuitions :

La première révélation du divin se produit par la parole et dans la parole.

‘EloHiM dit : « Que la lumière soit. » Lumière fut.


On comprend que F. Jullien ait éprouvé le besoin de passer par la Chine pour s’extirper de l’indo-européen, sinon de ses dérives : l’indo-germanique, mais pourquoi n’être pas passé préalablement par les langues sémitiques, le détour en vaut la peine pour aborder les impensés. Mais passons.

Quelle est la fonction de l’écriture ? la réponse est simple : c’est de faire parler. L’alphabétique ne fait plus parler, mais chacune explorée ne fait plus, à son tour parler. Quelle écriture de l’oralité faudrait-il inventer pour continuer à faire parler, enfin parler pour dire quelque chose, enfin une écriture qui n’étoufferait pas la voix, ni les circulations du qi (), la fonction scribe (de Jean Oury) en quelque sorte.

Une écriture à sacrifier sur l’autel de la survie de la psychanalyse (problème crucial en effet). On pourrait trouver à mettre en correspondance cette assertion de J. Lacan dans le séminaire l’envers de la psychanalyse (1970) :

Ce qui frappe, en effet, dans cette institution du discours psychanalytique qui est le ressort du transfert, ce n’est pas comme certains ont cru l’entendre de moi, que l’analyste, ce soit lui qui soit placé en fonction du sujet supposé savoir. Si la parole est donnée si librement au psychanalysant c’est justement ainsi qu’il reçoit cette liberté, c’est qu’il lui est reconnu qu’il peut parler comme un maître, c’est-à-dire comme un sansonnet, mais que cela ne donnera d’aussi bons résultats que dans le cas d’un vrai maître, que c’est supposé conduire à un savoir, un savoir dont se fait le gage, l’otage, celui qui accepte d’avance d’être le produit des cogitations du psychanalysant, c’est à savoir, le psychanalyste en tant que, comme ce produit, il est à la fin destiné à la perte, à l’élimination du processus.



Pour conclure

Donc : je pense donc je suis,

我思故我擦拭 = je pense donc j’essuie


Dès lors l'objection de contradiction in terminis qu'élève contre la pensée inconsciente une psychologie mal dégagée de la logique, tombe avec la distinction même du domaine psychanalytique en tant qu'il manifeste la réalité du discours dans son autonomie, et l' eppur si muove ! du psychanalyste rejoint celui de Galilée dans son incidence, qui n'est pas celle de l'expérience du fait, mais celle de l' experimentum mentis. [50]



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[1] Première référence de J. Lacan à un mot chinois écrit en transcription EFEO dans sa conclusion au colloque de Bonneval sur la causalité psychique en 1946. Le sens : comprendre.








































[2] romantique/romanesque

Romantique : qui provoque des émotions tendres et mélancoliques, qui fait rêver.

Romanesque : qui serait digne de figurer dans un roman.






























[3] ânonner, mettre bas pour une ânesse.










[4] « Le Mythe individuel du névrosé ou poésie et vérité dans la névrose » est une conférence donnée au Collège philosophique de Jean Wahl. Le texte ronéotypé fut diffusé en 1953, sans l'accord de Jacques Lacan et sans avoir été corrigé par lui, (cf. Ecrits, p. 72, note n° 1). La présente version est celle transcrite par J.A. Miller dans la revue Ornicar ?, n° 17-18, Seuil, 1978, p. 290-307.






[5] G. Simon, Kepler astrologue et sinologue. Pp138



































[6] Couvreur, IV.B.26









[7] Levy André, Mencius. Ed. You Feng, IV.B.26.




[8] Et là, nul écrivain ne peut lui faire le reproche ne ne pas connaître le chinois.

[9] Je suis en train de produire un thesaurus concernant le mot nature.

[10] A noter que zhu (porc) s’écrit en chinois , caractère qui a comme composante zhe et comme clé shi qui signifie “porc”. En chaque écrivain un porc sommeille.

[11] Lacan J. (1969-1970). L'envers de la psychanalyse, Le Séminaire livre XVII, Paris, Éd. du Seuil, 1991, p. 63.

Ce que j’enseigne, depuis que j’articule quelque chose de la psychanalyse, pourrait bien s’intituler Histoire d’une moitié de poulet. Assurément, la difficulté propre à me traduire en langage universitaire est bien aussi ce qui frappera tous ceux qui, à quelque titre que ce soit, s’y essayeront, et à la vérité, l’auteur de la thèse dont je parle était animé par les meilleurs titres, ceux d’une immense bonne volonté.


















[12] Voir le Kepler astrologue, astronome de G. Simon ainsi que ses travaux sur IBN al Haytham.


































[13] Lacan J. (1965-1966). L'objet de la psychanalyse, séminaire inédit.

[14] L’habituelle traduction du “xing” chinois par le mot nature, pourrait laisser penser aux lecteurs français que le mot nature dans sa résonance française laisserait entendre la résonance du mot xing dans la langue chinoise. En réalité xing est intraduisible en français de même que les mots Dasein, Stimmung ou Gemüt allemands. J. Lacan laisse venir le mot nature dans le séminaire XVIII nous invitant à réfléchir sur l’importance de cette notion dans la tradition occidentale en particulier dans le temps crucial du XVIIe siècle et XVIIIe siècle. Libre aux Chinois d’envisager l’aventure du mot Xing qui n’a rien à envier quand à son importance dans la tradition chinoise.

[15] Simon Gérard, Kepler astrologue astronome, Ed. Gaillard, 1979.







[16] Gusdorf Georges, Le romantisme I, Chapitre XII : Secret, ésotérisme, communication. Grande Bibliothèque Payot. « L’un des articles de foi de l’âge des lumières est que la vérité peut se dire, la vérité est un dire, proposé au rendez-vous de L’encyclopédie, panorama de la connaissance assurant une parfaite entente des hommes d’esprit lucide et de bonne volonté. Sans doute, l’ordre alphabétique demeure imparfait ; la succession arbitraire des lettres enregistre l’incohérence des matériaux du savoir.

Dès le XVIII siècle, cette conviction que la vérité peut se dire se heurte à des obstacles et des démentis. Il ne suffit pas de dire la vérité ; l’expérience atteste l’existence du malentendu ; les esprits ne sont pas préparés à accueillir la vérité qu’on leur propose.


[17] je propose une traduction en chinois :

[18] Yves Depelsenaire, « Un procès d’écriture »

Par l’équivoque, l’analyste n’invite pas à la reconnaissance d’un message tenu en échec, d’une vérité déjà-là qui attend son heure. Mais il fait consonner le dire avec tout ce qui peut s’en articuler depuis l’inconscient dans la langue du sujet. Le sens n’en est pas pour autant laissé hors-jeu. Ce à quoi s’emploie Joyce, dans une déformation de la parole par l’intermédiaire de l’écriture, dont Lacan souligne l’ambiguïté, puisqu’on ne sait si Joyce se libère du parasite parolier ou si au contraire il est envahi par les propriétés phonématiques de la parole dans un effort qui lui est imposé. En psychanalyse, le recours à l’équivoque n’abolit pas le sens. Bien qu’opérant sans souci de la sémantique, l’équivoque n’en a pas moins prise sur le sens, puisqu’elle opère par l’équivalence du son et du sens, suivant la formule de « L’insu que sait de l’une-bévue » 20. Le titre de ce séminaire en offre d’ailleurs l’illustration géniale, avec la traduction de l’Unbewusst freudien à partir de ce qui littéralement consonne de l’inconscient pour mieux en serrer le concept. À procéder ici de l’homophonie translinguistique, l’équivoque n’entraîne pas pour autant le brouillage de la signification, mais au contraire introduit des effets de signifié inédits.

In Quarto bulletin de psychanalyse. 37/38. ECF


[19] Lacan J. (1956-1957). La relation d'objet, Le Séminaire livre IV, Paris, Éd. du Seuil, 1994, p. 50.









[20] J. Lacan, ibid















21] J. Lacan, Encore. 1973













[22] Johann-Joseph Görres. La mystique divine, naturelle et diabolique, Jérôme Millon. p. 38-39.


[23] La commission théologique internationale vient de publier un document intitulé « A la recherche d’une éthique universelle. Nouveau regard sur la loi naturelle », in Golias hebdo n° 91, p. 12



















































[24] Elle est aussi utilisée dans la tradition occidentale.

















[25] J. Lacan, Écrits, Seuil, p. 615.








[26] P. Duris, Dictionnaire européen des lumières, p. 628.









[27] «Les deux termes ». Quels sont ces deux termes ?. Dans le corps du séminaire cette expression revient à plusieurs reprises, sans ambiguïté : femme et homme. C’est d’ailleurs le titre donné par J. A. Miller (on peut le supposer) au chapitre X.

[28] Lacan J. (1971). D'un discours qui ne serait pas du semblant, Le Séminaire livre XVIII, Paris, Éd. du Seuil, 2006, p. 58.










































[29] Meng tzeu, Couvreur, VII.A.16. Pp 614



[30] Mu, Couvreur, VII.A.16. Pp 614 Meng tze







[31] Levy André, Mencius, VII.A.16. Pp 182. Ed You Feng
















[32] Couvreur, 4.B.19, p. 492




[33] Couvreur, 4.B.19, p. 492, en caractère simplifié




[34] Même phrase en bai hua.





[35] L. André, Mencius, Ed You Feng, p. 121.






















[36] L. André, Mencius, Ed You Feng, p. 124.



[37] Mateo Ricci : Entre infime et infinie la différence est minime, mais J. Lacan n’avait pas le Ricci. Il utilisait le Couvreur et le Shuo wen.











[38] Zhengmen (l’initiation correcte) de Zhang Zai (1020-1078)




[39] J. Gernet : Sociétés et pensées chinoises aux XVI siècle et XVII siècle, Collège de France/Fayard. Pp. 60








[40] Ce «iota » nous l’avons travaillé avec l’aide d’henry Fontana

[41] Couvreur Pp. 424




















[42] Xie ancêtre fondateur de la lignée des Shang-yin


[43] Levi, p. 86.
















































[44] 說文解字注, p. 953.

























[45] Lacan J. (1965-1966). L'objet de la psychanalyse, séminaire inédit.

[46] Lacan J. (1965-1966). L'objet de la psychanalyse, séminaire inédit. Dans l’édition établie par Michel Roussan, p. 37. Cette phrase est probablement tirée des oeuvres de Jiun Sonja : Cf. note Ali p. 45. Je la lis comme «en l’an 3000 quelques hommes sauront ». Je traduirais celle de la main de J. Lacan par «avant l’an 3000 les hommes sauront (une grande quantité)».




























[47] Jullien. F. Fonder la morale, Dialogue de Mencius avec un philosophe des lumières, Grasset. Pp. 143

[48] Mencius, VII, A, 16

[49] ibid, IV, B, 19. À comparer avec IV, B, 28, cf. supra, chap. VII.






































































































[50] « Le Mythe individuel du névrosé ou poésie et vérité dans la névrose» est une conférence donnée au Collège philosophique de Jean Wahl. Le texte ronéotypé fut diffusé en 1953, sans l'accord de Jacques Lacan et sans " avoir été corrigé par lui, (cf. Ecrits, p. 72, note n° 1). La présente version est celle transcrite par J. A. Miller dans la revue Ornicar ? n° 17-18, Seuil, 1978, pages 290-307.

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