Séminaire du 20 mars 2014



Le séminaire reprend donc le thème annoncé pour le mois de février.

Pour situer la pertinence de ce thème, voici quelques précisions.


Il importe de consulter sur le site mon article intitulé ANG


C’est l’exposé d’un « cas » personnel, la singularité d’une cure, qui fait apparaître la problématique du nom propre.

C’est une question qui me préoccupait depuis longtemps à propos de mon patronyme dont les dictionnaires situaient l’origine dans le Hochdeutsch. Il m’est apparu que ce nom avait plutôt une origine dans les langues sémitiques. Voila que mon patronyme laissait entendre une polysémie signifiante.

Ensuite mon détour par la Chine fit apparaître au cours du temps, en dehors de mon nom chinois officiel, une pluralité de nom qui me furents attribué au cours de différents événements.


C’est alors que je me suis tombé sur la traduction par J. Lacan de son nom en hébreu au cours du séminaire Problèmes cruciaux pour la psychanalyse : voir l’annonce de février.


Je travaillais à partir de l’édition Michel Roussan des séminaires. Vous savez que M. Roussan a édité quatre séminaires de J. Lacan :

L’Identification (1961-1962)

L’Angoisse (1962-1963)

Problèmes cruciaux pour la psychanalyse (1964-1965)

L’objet de la psychanalyse (1965-1966).


Quatre séminaires qui se suivent et qui entourent la fondation de l’École Freudienne (1964)


Récemment je voulais me procurer les éditions du Seuil (J.A. Miller) de ces séminaires. J’ai eu la surprise de constater qu’il n’en existe qu’un : L’Angoisse (1964-1965) et Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse (1964).

Je ne sais pas ce qui préside au choix de l’édition de tel ou tel séminaire. Mais le contraste est édifiant entre les deux démarches. Chacun conviendra aisément que la fondation de l’École Freudienne par J. Lacan fut un acte majeur, d’où va surgir le nom de J. Lacan.


Précisément ces quatre séminaires portent sur la question du nom propre.


Quelques citations qui montrent le passage du « c’est pourquoi » à « Et pourtant » lors de la traduction de son nom en hébreu par J. Lacan


Lacan J. (1961-1962). L'identification, séminaire inédit. Leçon du 6 décembre 1961

Mais prenons quelque chose de simple, et finissons-en rapidement. Si je dis, mon grand-père est mon grand-père, vous devez tout de même bien saisir là qu'il n'y a aucune tautologie, que mon grand-père, premier terme, est un usage d'index du deuxième terme mon grand-père, qui n'est sensiblement pas différent de son nom propre, par exemple Émile Lacan, ni non plus du c du c'est quand je le désigne quand il entre dans une pièce, c'est mon grand-père. Ce qui ne veut pas dire que son nom propre soit la même chose que ce c de « this is my granfather ». On est stupéfait qu'un logicien comme Russell ait cru pouvoir dire que le nom propre est de la même catégorie, de la même classe signifiante que le this, that ou it, sous prétexte qu'ils sont susceptibles du même usage fonctionnel dans certains cas. Ceci est une parenthèse, mais comme toutes mes parenthèses, une parenthèse destinée à être retrouvée plus loin à propos du statut du nom propre dont nous ne parlerons pas aujourd'hui. Quoi qu'il en soit, ce dont il s'agit dans mon grand-père est mon grand-père veut dire ceci, que cet exécrable petit-bourgeois qu'était ledit bonhomme, cet horrible personnage grâce auquel j'ai accédé à un âge précoce à cette fonction fondamentale qui est de maudire Dieu, ce personnage est exactement le même qui est porté sur l'état civil comme étant démontré par les liens du mariage pour être père de mon père, en tant que c'est justement de la naissance de celui-ci qu'il s'agit dans l'acte en question.

Vous voyez donc à quel point mon grand-père est mon grand-père n'est point une tautologie


Lacan J. (1961-1962). L'identification, séminaire inédit. Leçon du 20 décembre 1961.

C’est à propos de Cléopatre et de Ptolémée que tout le déchiffrage du hiéroglyphe égyptien a commencé, parce que dans toutes les langues Cléopatre est Cléopatre, Ptolémée est Ptolémée. Ce qui distingue un nom propre malgré de petites apparences d’amodiations […] c’est que d’une langue à l’autre ça se conserve dans sa structure


Lacan J. (1962-1963). L'angoisse, Le Séminaire livre X, Paris, Éd. du Seuil, 2004. Leçon du 20 décembre 1963

Référez-vous à un certain de mes séminaires, celui où j'ai défini le nom propre. Le nom, c'est cette marque, déjà ouverte à la lecture, c'est pour cela qu'elle se lira de même en toutes les langues, y est imprimée quelque chose, peut-être un sujet qui va parler. Bertrand Russell se trompe quand il dit, on pourrait appeler John un point géométrique sur un tableau, il peut toujours l'interroger avec l'espoir qu'il lui réponde !


Cette citation de J. Lacan me paraît contradictoire avec sa traduction en hébreu par le même J. Lacan qui fait le thème du séminaire de février.


Cette capacité de nommer le sujet, comme Lacan le suggère, ne s’étend pas seulement aux premiers traits qui l’avaient capturé ; de nouveaux traits peuvent sans cesse devenir le nom du sujet. « C’est pour en tant, et pour le moindre de ses paroles, que le sujet parle, qu’il ne peut faire que de toujours une fois de plus se nommer sans savoir de quel nom »

.

Pour jeter une lumière sur l’interaction entre la lettre et le signifiant enchaîné, Lacan abordera le cogito cartésien. En supprimant le « donc » qui joint le « je pense » et le « je suis », il transforme ces deux énoncés en une série mathématique et un moyen de concevoir le rapport entre, d’un côté, le sujet, et de l’autre, le signifiant. En proposant de considérer le « je suis », « non pas comme [la] conséquence, comme [la] détermination ontologique », mais comme le signifié du « je pense », il écrit les deux énoncés comme :


Je pense

______

Je suis


Le rapport entre ce signifié et ce signifiant est celui de l’identification, parce que le « je pense » joue un rôle d’un trait unaire qui existe dans le préconscient ; ce « je pense » peut ainsi représenter le « je suis » , qui est au lieu du sujet inconscient de l’énonciation.

Lacan examine la liaison entre ces deux énoncés dans une tentative de théoriser « la naissance du sujet », une naissance pour laquelle l’acte de nomination joue un rôle crucial parce que « le sujet est ce qui se nomme

 »


Dans le séminaire L’identification, au sujet du nom propre Lacan se confronte à la position de B. Russell et de Gardiner. Vous trouverez un excellent article de John Holland sur cette confrontation par ici.





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Séminaire de Michel Guibal

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