Séminaire du 18 novembre 2010




L'insu que sait de l' une-bévue s 'aile a mourre


Les humains savent tant de jeux l'amour la mourre

L'amour jeu des nombrils ou jeu de la grande oie

La mourre jeu du nombre illusoire des doigts

Seigneur faites Seigneur qu'un jour je m'énamoure1


L’insuccès de l’inconscient c’est l’Amour


La femme n’existe pas

Dieu n’existe pas

Il n’y a pas de rapport sexuel


Une femme : une par une

comme Dieu elle peut-être adjectivée.


Femme vierge,            Equivalent côté homme2           

Femme mariée,                                                             

Femme adultère,

Femme divorcée,        FORMULE DE LA SEXUATION

Femme veuve,

Femme enceinte,

Femme prostituée,

Femme entretenue,

Femme violée,

Femme homosexuelle

Etc.ad libitum


Je donne à lire un texte de J. Lacan qui laisse entendre ce problème que l’on voit déjà apparaître dans le rapport conflictuel entre Fregge et Husserl, et cela implique les formules de la sexuation, un troisième monde3 séparé des vécus du corps.


Un demi-siècle de freudisme appliqué à la psychose laisse son problème encore à repenser, autrement dit au statu quo ante.

On pourrait dire qu’avant Freud sa discussion ne se détache pas d’un fonds théorique qui se donne comme psychologie et n’est qu’un résidu « laïcisé » de ce que nous appellerons la longue coction métaphysique de la science dans l’École (avec l’E majuscule que lui doit notre révérence).

Or si notre science, concernant la physis, en sa mathématisation toujours plus pure, ne garde de cette cuisine qu’un relent si discret qu’on peut légitimement s’interroger s’il n’y a pas eu substitution de personne, il n’en est pas de même concernant l’antiphysis (soit l’appareil vivant qu’on veut apte à prendre mesure de ladite physis), dont l’odeur de graillon trahit sans aucun doute la pratique séculaire dans ladite cuisine de la préparation des cervelles.

C’est ainsi que la théorie de l’abstraction, nécessaire à rendre compte de la connaissance, s’est fixée en une théorie abstraite des facultés du sujet, que les pétitions sensualistes les plus radicales n’ont pu rendre plus fonctionnelles à l’endroit des effets subjectifs.

Les tentatives toujours renouvelées d’en corriger les résultats (2) par les contrepoids variés de l’affect, doivent en effet rester vaines, tant qu’on omet de questionner si c’est bien le même sujet qui en est affecté.4


Et aussi un autre


Il est certain que je suis venu à la médecine parce que j’avais le soupçon que les relations entre homme et femme jouaient un rôle déterminant dans les symptômes des êtres humains. Cela m’a progressivement poussé vers ceux qui n’y ont pas réussi, puisqu’on peut certainement dire que la psychose est une sorte de faillite en ce qui concerne l’accomplissement de ce qui est appelé « amour »5.



Que devient, alors, la question de la jouissance d’organe (orgasme)6 et/ou lacanienne, sinon marxiste


Le Dieu Eros traduit par Amour donne aussi en français une ouverture sur érotisme, et l’on sait que l’amour et l’érotisme en dehors des mots parlent aussi dans la vie des conflits vécus


Je donne ici à lire ce passage de J. Lacan car il y fait référence au jeu de la Mourre, mais aussi il donne à entendre de ce qu’il pense du rapport à la pensée chinoise dans sa tradition avec la psychanalyse freudienne, ainsi que dans le séminaire sinthome


Est-ce que nous ne saisissons pas là que, pour d'autres traditions de pensée… Je l'illustre, celle du Tao par exemple, qui tout entière part d'une appréhension signifiante dont nous n'avons pas à chercher ce qu'elle représente pour eux de signification, puisque pour nous c'est tout à fait secondaire. Les significations, ça pullule toujours, vous mettez deux signifiants l'un en face de l'autre, ça fait des petites significations. Elles ne sont pas forcément jolies jolies. Mais que le départ soit, comme tel, l'opposition du yin et du yang, du mâle et du femelle, même s'ils ne savaient pas ce que ça veut dire, ceci à soi tout seul comporte à la fois ce singulier mirage qu'il y a là quelque chose de plus adéquat à je ne sais quel fonds radical, en même temps d'ailleurs que cela peut justifier l'échec total de tout aboutissement du côté d'un véritable savoir. Et c'est pourquoi ce serait une grande erreur de croire qu'il y ait la moindre chose à attendre de l'exploration freudienne de l'inconscient pour en quelque sorte rejoindre, faire écho, corroborer ce qu'ont produit ces traditions, qualifions-les, étiquetons-les - je déteste le terme - d'orientales, de quelque chose qui n'est pas de la tradition qui a élaboré la fonction du sujet. Le méconnaître est prêter à toutes sortes de confusions, et si quelque chose de notre part peut jamais être gagné dans le sens d'une intégration authentique de ce qui, pour les psychanalystes, doit être le savoir, assurément c'est dans une toute autre direction. Je poursuivrai ce discours la prochaine fois concernant la position du psychanalyste.

Comme au jeu de la mourre, de la morra où ciseaux, pierre et papier se gagnent en rond indéfiniment, pierre brisant ciseaux, papier enveloppant pierre, ciseaux coupant papier, vous pouvez énoncer, en une analogie, qui recèle assurément quelque chose de plus complexe, que les trois termes de mes derniers discours, et tout spécialement celui de la dernière fois, ont dressé devant vous sous les rubriques du sujet, celui que j'ai mis le plus de soin à aiguiser, pour votre entente, du savoir, qui aussi bien a été là le second terme auquel j'ai essayé de donner, concernant ce dont il s'agit sous le nom d'inconscient, tout son poids. L'inconscient est un savoir, dont le sujet reste indéterminé, dans l'inconscient. Qui sait-il ? Le sexe, enfin, dont ce n'est pas non plus hasard, ni hâte si, n'ayant marqué la dernière fois, dans tout son relief, que le sens de la doctrine freudienne est que le sexe est une des butées, autour duquel, autour de laquelle tourne ce rapport triple, cette économie, où chacun de ces termes se renvoie de l'un à l'autre selon un rapport qui, de première approche, peut sembler être celui par lequel je vous l'introduis, d'un rapport de dominance circulaire.

Le sujet s'indétermine dans le savoir, lequel s'arrête devant le sexe, lequel confère au sujet cette nouvelle sorte de certitude par où, sa place de sujet étant déterminée et ne pouvant l'être que de l'expérience du cogito, avec la découverte de l'inconscient, de la nature radicalement, fondamentalement sexuelle de tout le désir humain, le sujet prend sa nouvelle certitude, celle de prendre son gîte dans le pur défaut du sexe. Ce rapport de dominance tournant est essentiel à fonder ce dont il s'agit dans mon discours depuis son départ. De quel statut du sujet il s'agit dans ce qui, par l'opération analytique, pour lui, se réengendre ? Et aussi bien, puisque seule cette opération analytique lui donne son statut, ce dont il s'agira aujourd'hui, après cette introduction, n'est pas de constater, comme un fait du monde, cette dominance qui se rejette à travers chacun des trois termes, mais de la reformuler, d'en faire sentir les effets, en terme de cette forme sous laquelle, pour nous, elle s'exerce, qui est proprement la forme du jeu. Je pense que même pour ceux qui viendraient ici m'entendre aujourd'hui pour la première fois, ils en savent assez de Freud pour reconnaître quel terme essentiel constitue dans son enseignement le rapport entre savoir et sexe. Qu'il s'agisse de son approche, de sa découverte de la dynamique psychanalytique, c'est en terme de ce que le sujet en sait plus qu'il ne croit, en dit plus qu'il ne veut, et démontre, sur ses propres ressorts, cette forme de savoir ambigu qui, en quelque sorte, se renonce à lui-même, au moment même qu'il s'avoue, que Freud introduit la dynamique de l'inconscient. Et quand il théorise, c'est autour de ce point oscillant de la question sur le sexe, de la pulsion épistémologique, du besoin de savoir ce qu'il en est du sexe que s'introduit, génétiquement, dans l'histoire de l'enfant, tout ce qui pour la suite s'épanouira dans les formes, tant de sa personne que de son caractère, que de ses symptômes, de toute cette matière qui est la nôtre et qui nous intéresse.7




Je donne, ici, une autre référence de J. Lacan à la Chine en tant d’une attente sans espérance, alors que j’y vois apparaître une relation entre les traits de la topologie avec les traits de l’écriture chinoise.


Question - Y a d'l'Un, vous nous parlez du Réel comme impossible. Vous n'appuyez pas sur l’impossible.

À propos de Joyce vous parlez de paroles imposées, vous n'appuyez pas sur le

nom-du père, comme Un-posé.


J. Lacan - Ça, c'est une chose qui est signée. Qui est-ce qui s'attend toujours à ce que je joue sur les équivoques saintes ? Je ne tiens pas spécialement aux équivoques saintes. Je crois que il me semble que je les démystifie. Yadlun. Il est certain que cet Un m'embarrasse fort. Je ne sais qu'en faire, puisque, comme chacun sait, l'Un n'est pas un nombre. Et même que, à l'occasion, je le souligne.

Je parle du Réel comme impossible dans la mesure où, où je crois, justement, que le Réel - enfin, je crois, si c'est mon symptôme, dites-le moi -, où je crois que le Réel, que le Réel est, il faut bien le dire, sans loi.

Le vrai Réel implique, implique l'absence de loi. Le Réel n'a pas d'ordre. Et c'est ce que je veux dire, en disant que la seule chose que, peut-être, j'arriverai un jour à articuler devant vous, c'est quelque chose qui concerne ce que j'ai appelé un bout de Réel.


Question - Que pensez-vous du remue-ménage contradictoire qui s'effectue depuis quelques années en Chine ?


J. Lacan - J'attends. Mais je n'espère rien.


Question - - Le point se définit de l'intersection de trois plans. Peut-on dire qu'il est réel ?

L'écriture de traits, en tant qu'alignement de points, l'écriture, le trait en tant

qu'alignement de points sont-ils réels, au sens; je suppose que ça doit être écrit - au sens

où vous l'entendez ?


J. Lacan - C'est écrit au sens que vous l'entendez. Non, y a pas de quoi rire.8


En conclusion je donne à entendre que l’on trouve là, en milieu grec, la meilleure des passerelles entre la psychanalyse occidentale et la tradition chinoise : cosmothéismes plutôt que monothéismes


Une religion, un ensemble de croyances qui pouvait bien partir d’un univers peuplé par « trente mille démons » dispersées dans la nature sauvage, dans la mer et dans l’air, mais aussi dans le monde des relations humaines et des notions abstraites (Aidos, Némesis, Monos), a conduit à concevoir une sorte de cosmothéismes dans lequel les dàimones ne sont pas seulement des êtres négatifs (malveillants ou châtieurs), mais aussi des images de concepts abstraits ou dynamiques psychiques, telles que l’attraction amoureuse de la beauté.9



1 Guillaume Apollinaire, « M. Félix Fénéon », Mercure de France, CVIII, avril-mai 1914. En 1923 encore, c'est lui qui fera publier en France le Dedalus de Joyce


2 L’homme, ici, en tant qu’il serait pris comme existant universel ou comme un par un ?


3 Frege : « Das dritte Reich »


4 Lacan J. « Les Psychoses », daté de décembre 1957- janvier 1958, paru dans La Psychanalyse, 1958, n° 4,, p. 1-50.


5 Lacan J., (24 novembre 1975) - Yale University - Law School Auditorium and Kanzer Seminar, Scilicet 6/7, 1975.


6 Lacan J. (1966), Intervention sur l’exposé de C. MORAZÉ : « Literary Invention », au Symposium International du John Hopkins Humanities Center à Baltimore (USA). Paru dans The Languages of Criticism and the Sciences of Man : The structuralist Controversy, dirigé par R. Macksey et E. Donato, Baltimore et Londres, The Johns Hopkins Press, 1970, pp.41-44.

Toute la théorie que Reich en donne est fondée sur l’idée que ces structures sont une défense de l’individu contre l’effusion orgasmique, dont la primauté dans le vécu peut seule assurer son harmonie. On sait à quels extrêmes cette idée l’a mené, jusqu’à le faire rejeter par la communauté analytique. Mais, ce faisant non sans raison, personne n’a jamais su bien formuler en quoi Reich avait tort.On sait à quels extrêmes cette idée l’a mené, jusqu’à le faire rejeter par la communauté analytique. Mais, ce faisant non sans raison, personne n’a jamais su bien formuler en quoi Reich avait tort.


7 Lacan J. (1964-1965). Les problèmes cruciaux de la psychanalyse, séminaire inédit.


8 Lacan J. (1975-1976). Le sinthome, Le Séminaire livre XXIII, Paris, Éd. du Seuil, 2005.


9 Ezio Pellitzer : « Eros metteur en scène des corps » in Corps en jeu de l’Antiquité à nos jours, Presses universitaires de Rennes, 2010.


Ch_Retour_Guibal10a.html
  
Ch_Retour_Guibal10bb.html
 

Séminaire de Michel Guibal

2010 - 2011


Retour
sommaireCh_Retour_Guibal00.html