Le thème du séminaire est « maternité et féminité ». Ces deux termes correspondent à des dimensions différentes : la maternité et l’infantile renvoient à la dimension de génération, la masculinité et la fémininité renvoient à la dimension sexuelle. L’expérience psychanalytique montre que ces deux dimensions sont toujours mêlées. Ce type de mélange est pour les Chinois, habitués à vivre à trois générations sous un même toit, particulièrement important. Car dans les foyers chinois, hormis les relations sexuelles, les personnes doivent s’habituer à régler les relations intergénérationnelles. Cependant, si on veut étudier les relations entre les deux dimensions, alors il est nécessaire, dans une certaine mesure, d’opérer une dissociation limitée. Dans ce texte, je vais partir du roman La bien-aimée de Thomas Hardy (1840-1928), un auteur britannique reconnu, car la structure de ce roman se prête à développer cette dissociation.


I.


Ce roman est dans la multiplicité des romans écrits par Thomas Hardy le plus difficile à comprendre. Il y a deux versions, une parue en 1892, une autre parue ultérieurement en 1897 après quelques changements. Thomas Hardy lui-même pense que ce roman diffère de ses autres romans qui sont beaucoup plus dans le style du réalisme, car il porte plus de caractéristiques subjectives et d’imaginaire. Le roman commence par le retour au pays du sculpteur Jocelyn Pearston né près de Londres sur une presque île aux coutumes anciennes où il rencontre une amie de son enfance, la Première Avice. Sa maison se trouve proche de la sienne, son père est mort tôt, mère et fille dépendent l’une de l’autre pour vivre. Ensuite, l’intelligence et l’ingénuité de la Première Avice touchent Jocelyn, tous deux tombent amoureux l’un de l’autre si bien qu’ils se fiancent. Mais elle n’est pas l’amour de jeunesse de Jocelyn, car depuis toujours il a dans son cœur une bien-aimée, mais qui n’est pas fixe, qui depuis l’âge de neuf ans migre sans arrêt sur des corps de femme différents. En l’espace de trois ans elle a déjà migré neuf fois. Alors que les vacances vont bientôt se terminer, Jocelyn espère pouvoir se retrouver seul un soir avec la Première Avice, cependant à cause des anciennes coutumes de l’îl,e elle le refuse. Sur le chemin du retour, Jocelyn rencontre une autre femme du même village, Marcia. Le père de Marcia et le père de Jocelyn sont tous deux des marchands de pierre et se trouvent depuis toujours dans une relation de compétition. Ensuite, la bien-aimée de Jocelyn migre sur le corps de Marcia, il aime Marcia. C’est pourquoi il ne s’est pas acquitté de son engagement nuptial avec la Première Avice. De plus, il ramène Marcia à Londres, finalement, les deux se séparent à la suite d’une dispute et de l’ingérence des parents.


Désormais, ce roman qui a des connotations psychanalytiques suscite l’intérêt de très nombreux psychanalystes et critiques littéraires. Ils partent de l’angle du désir de l’homme, voient les caractéristiques de la bien-aimée de Jocelyn comme le thème de ce roman. Ce thème peut être exprimé le plus directement par le complexe d’Œdipe. L’homme, en raison de l’amour pour la mère, considère la mère comme la norme idéale de la femme, et en fait l’archétype pour choisir une partenaire sexuelle. Dans ce choix, il s’agit de paroles, d’images, en même temps cela est aussi lié aux caractéristiques de certaines pulsions partielles. Par conséquent, la partenaire réelle a de grandes difficultés à se conformer complètement à cette norme. Ceci est aussi la raison pour laquelle la bien-aimée n’arrête pas de migrer.


Il est important de noter, que si on pense à ce choix de partenaire uniquement au niveau psychique, alors il relève au moins de deux dimensions : symbolique et imaginaire. D’une part, par le biais de certains attributs transmis par la parole nous choisissons ces partenaires, par exemple un homme honnête ou mignon, etc. Pour répondre aux demandes du texte, nous appellerons pour l’instant ces attributs « idéal du symbolique ». Après que le sujet est sexualisé, cet idéal est séparé en deux éléments : idéal du symbolique masculin et idéal du symbolique féminin. Le désir de l’homme pointe vers le partenaire de l’identification – l’idéal du symbolique masculin, en même temps il pointe vers la partenaire de l’amour – l’idéal du symbolique féminin. Ces deux éléments ne sont pas du tout indépendants, ils sont toujours liés l’un à l’autre. Du fait de l’amour pour un idéal du symbolique féminin, alors seulement se constitue l’idéal du symbolique masculin, en même temps du fait du désir de devenir un idéal du symbolique masculin alors seulement il peut aimer un certain idéal du symbolique féminin [1]. Par conséquent, désir et idéal sont doubles. A l’inverse, une femme s’identifie à l’idéal du symbolique féminin, et aime l’idéal du symbolique masculin.

D’autre part, en même temps par le biais de certaines caractéristiques visuelles nous choisissons ces partenaires, par exemple un homme beau et grand, etc. Ces caractéristiques constituent aussi certains attributs. Nous appellerons pour l’instant ces caractéristiques d’images « idéal de l’imaginaire ». Cet idéal est aussi séparé en deux éléments : idéal de l’imaginaire masculin et idéal de l’imaginaire féminin. Par conséquent, Jocelyn par le biais de l’idéal du symbolique féminin et en même temps par le biais de l’idéal de l’imaginaire féminin choisit sa partenaire.


Bien sûr, dans l’inconscient, symbolique et imaginaire sont toujours présents ensemble. Un idéal du symbolique correspondant est toujours lié à un idéal de l’imaginaire. Mais entre eux deux, il n’y a pas une relation complètement assortie. Par exemple, l’idéal du symbolique féminin transmis par une mère à son enfant peut être selon son propre archétype, tandis que l’idéal de l’imaginaire féminin transmis sera selon l’archétype d’une autre femme. Pour discuter de ces questions, d’une part il faut discuter plus avant la relation entre symbolique et imaginaire et en même temps il faut bien plus nécessaire de discuter l’histoire particulière de la vie d’un individu.


En même temps, l’ouverture de l’idéal du symbolique et de l’idéal de l’imaginaire psychiques nécessite toujours l’interaction du Réel entre un sujet et un autre sujet. L’opération de l’idéal du symbolique et de l’idéal de l’imaginaire ne peut être complètement indépendante d’un éveil du Réel. Et si nous voulons discuter ce point, il est nécessaire de discuter d’une autre dimension du Réel et du corps [2] .

Vingt ans après, à cause de la mort de son père, Jocelyn revient au village, au moment même où la Première Avice meurt. Il rencontre la fille de la Première Avice, la Deuxième Avice, qui ressemble beaucoup à sa mère. Il l’apprend plus tôt : la Première Avice s’est ensuite mariée avec son cousin. Tous deux gèrent ensemble un commerce familial de pierres, qui par la suite fit faillite. Le père de la Deuxième Avice meurt tôt, de ses deux frères l’un meurt noyé en mer et l’autre part pour l’Amérique pour survivre, après la mort de sa mère la Deuxième Avice reste seule, et vit en lavant les vêtements des autres. Durant les rencontres ultérieures, Jocelyn tombe amoureux de la Deuxième Avice, et s’aperçoit qu’elle et lui-même ont le même problème : elle n’arrête pas non plus de changer de partenaire. La Deuxième Avice aime aussi Jocelyn. Ensuite, Jocelyn la ramène à Londres et la demande en mariage. Mais la Deuxième Avice lui dit qu’en vérité elle est déjà fiancée selon les coutumes de l’île à un autre homme, c’est seulement parce qu’elle ne l’aime plus et que par conséquent il était parti pour un autre endroit. Cet homme et Jocelyn possèdent le même nom de famille, qui est un nom peu utilisé sur l’île. Finalement, Jocelyn les laisse se marier, et contribue à leur foyer par une aide financière extrêmement importante. Lors de leur dernière rencontre, il demande à ce que le prénom de l’enfant de la Deuxième Avice qui est alors déjà enceinte soit Avice.


Jocelyn, de nouveau, répète son destin. La caractéristique de la bien-aimée, de nouveau, confirme le thème du roman.


Maintenant, si nous lisons ce roman sous l’autre angle, celui de la condition de femme, lorsque nous observons les caractéristiques de la bien-aimée, de la femme, nous nous apercevons que la Deuxième Avice aime un homme qu’elle n’a jamais vu, qui auparavant a refusé sa mère. En poussant le raisonnement, on peut dire qu’elle aime le partenaire que sa propre mère aimait auparavant. Si on dit qu’elle aime Jocelyn parce qu’il se conforme à l’idéal du symbolique masculin dans son cœur, alors cet idéal du symbolique masculin est identique à l’idéal du symbolique masculin de sa mère, pourquoi donc ?

Bien sûr, ce choix de partenaire peut aussi se comprendre à partir de l’imaginaire. Seulement du fait des limites du roman, ce texte ne peut entrer dans la discussion de cet aspect. Par conséquent, dans le texte suivant, nous allons principalement discuter ce choix sous l’angle du symbolique. En même temps dans le cas où il n’y a pas d’autre précision, le mot « idéal » dans le texte suivant exprime généralement l’idée de l’« idéal du symbolique ».


Dans la théorie freudienne, durant le complexe d’Œdipe, l’enfant veut être avec la mère, et remplacer le père. Le père interdit cette conduite, la castration s’effectue. A ce moment, le sujet est sexualisé, le garçon possédant le pénis s’identifie au père, la fille à laquelle manque le pénis veut prendre possession du père, et par conséquent s’identifie de nouveau à la mère. Par conséquent, le père constitue la source première de l’idéal masculin. Le père c’est la personne qui donne les règles, la mère est seulement la donneuse des affects


Mais chez Freud, le masculin se trouve séparé du féminin par le biais de l’opposition actif-passif, par conséquent, la mère est passive et c’est l’intervention active du père qui amène la castration. Et lorsque Lacan reprend ce point, il utilise ces deux termes, le « phallus » et le « nom du père », dans leur sens du symbolique, pour re-définir la relation triangulaire dans une famille. Il pense que la mère n’est pas passive, elle est tout autant un sujet de désir, et c’est bien le désir de « phallus » qui fait qu’elle quitte l’enfant, ainsi l’enfant peut compléter la transformation de « être le phallus » vers « avoir le phallus », le phallus ayant une fonction de castration. En d’autres mots, c’est le désir de la mère qui guide le désir de l’enfant, la mère s’identifie au « nom du père », et l’enfant à sa suite s’identifie au « nom du père ». Ainsi, au niveau du symbolique, le « nom du père » n’est pas nécessairement représenté par le père, et par conséquent l’idéal masculin n’est pas non plus forcement représenté par le père, d’autres hommes aînés, comme le grand-père, les oncles peuvent constituer cette représentation.


Dans ce sens, la fille désire le phallus car la mère désire le phallus, le désir de la fille et de la mère pointent tous vers un partenaire possédant le « phallus », donc il est possible qu’elles aient les mêmes idéaux masculins et aiment le même partenaire en réalité [3]. C’est aussi dire que la fonction du phallus amène la fille à hériter de l’idéal masculin de la mère, réalisant par conséquent la transmission de l’idéal masculin de la génération des parents vers celle des enfants. La mère elle-même ne possède pas de fonction de transmission, c’est seulement le « phallus » et le « nom du père » qui permettent à la mère d’opérer cette transmission. Par conséquent, le rôle de la mère et de la femme n’est pas divisé, elles sont toutes spécifiées par le phallus.


Revenons au roman, en fait, c’est uniquement avec la Première Avice que Jocelyn a un contact intime. Si nous regardons du point de vue de la Deuxième Avice, ce processus est un peu spécial. Car Jocelyn n’est jamais sur place, il est toujours étranger à la vie réelle de ce foyer. Les rumeurs le concernant viennent principalement de la bouche de la Première Avice et de celles des autres personnes sur l’île. Si on dit que c’est parce que cet homme, Jocelyn, s’accorde avec l’idéal masculin de son cœur qu’elle aime l’homme de ces rumeurs, alors nous devons maintenant nous poser la question : d’où vient cet idéal masculin ? Comment est-il donc transmis en aval ?


A partir du texte, nous devons tout d’abord rejeter le fait que l’idéal masculin vienne d’un homme de cette famille, par exemple du père, de l’oncle, etc., car les différences entre Jocelyn et ces hommes sont claires. La seule possibilité c’est qu’il vienne de la mère, la Première Avice, elle aurait transmis inconsciemment à sa propre fille cet idéal masculin. Ensuite, pourquoi a-t-elle transmis à sa fille cet idéal masculin ? Comment a-t-elle pu transmettre cet idéal ?

Si nous partons du point de vue de la Première Avice, nous devons regarder le fait qu’elle n’est pas seulement une femme, mais qu’elle est en même temps une mère. En tant que femme, elle aime cet homme, et donc Jocelyn constitue un idéal masculin de la Première Avice. En tant que mère, pour sa fille elle doit transmettre à sa propre fille les connaissances et expériences de sa propre vie, par exemple quel type d’homme est un homme bon. Cette transmission n’est pas seulement une transmission de connaissances et d’expériences, mais en même temps c’est une transmission de désir. La connaissance est aussi désir. Bien sûr le processus de cette transmission est en grande partie inconscient.


Si nous regardons sous l’angle de la Deuxième Avice, pour elle, Jocelyn ne constitue pas un véritable homme sur place, mais constitue l’homme sur place dans le désir de la mère. C’est aussi dire qu’elle aime Jocelyn, non pas parce qu’il constitue un homme sur place qui fait que le « phallus » est sur place, mais parce que, dans le désir de sa mère elle a vu la présence de Jocelyn. Par conséquent, par le biais de l’identification au désir de la mère, elle aime Jocelyn. En fait, dans ce désir, nous voyons encore le désir de phallus de la Deuxième Avice, mais l’émergence de ce désir n’est pas due à la présence d’une personne possédant la fonction de phallus, mais est due à la transmission de la mère.


Par conséquent, la transmission de la mère peut susciter le désir de phallus. La mère constitue quelqu’un manquant [4] qui oriente la présence du phallus. La mère n’est pas seulement une femme désirant, elle est en même temps aussi une mère faisant face à son enfant. C’est justement le rôle de la mère qui fait qu’elle peut prendre un rôle de transmission lorsque l’homme n’est pas sur place, en transmettant à l’enfant son propre désir et en même temps cela fait que l’enfant peut reconnaître inconsciemment le désir de la mère, appelant le désir du « phallus ». Un rôle de femme seul ne suffit pas à susciter cette transmission.


Ici, nous nous apercevons que le « phallus » fonctionne de deux façons : premièrement, lorsque l’homme est concrètement sur place, la fonction du phallus permet la transmission de l’idéal de la génération des parents à celle des enfants, la mère joue un rôle de femme fixé par le phallus. Dans ce cas, la fonction du phallus se trouve dans une position « manifeste ». Deuxièmement, lorsque l’homme concret est absent, la femme est aussi mère, la transmission de la mère suscite le désir de la fille envers le phallus, la mère constitue quelqu’un manquant qui oriente indirectement la présence du phallus. A ce moment, la fonction de phallus se trouve dans une position « latente ». Plus abstraitement, la première façon c’est le processus durant lequel l’« avoir » du phallus localise le « sans » de la mère, la deuxième façon, c’est le processus durant lequel le « sans » de la mère localise l’« avoir » du phallus.


Ainsi, l’idéal masculin de la femme possède au moins deux sources : d’une part, il provient de la partie qui représente le « phallus », par exemple le père, le grand-père maternel. D’autre part, il provient de la transmission et de l’éducation de la mère, l’idéal masculin dans la mémoire de la mère, et même si cela ne se passe pas avec la participation d’un homme concret, cela peut se transmettre vers la génération suivante.


Et c’est justement cette transmission qui fait que la Deuxième Avice aime l’idéal masculin que représente Jocelyn, et que avant de rencontrer Jocelyn elle choisit un homme du même nom de famille que Jocelyn.


De nouveau, vingt ans plus tard, la Deuxième Avice étant tombée malade, désire voir Jocelyn. Jocelyn à son retour au village rencontre la Troisième Avice, fille de la Deuxième Avice, ayant reçu une bonne éducation. Il l’aime et désire se marier avec elle. La Deuxième Avice, pour le bonheur de sa fille, est pleinement consentante. La Troisième Avice a une bonne impression de Jocelyn, et finalement ils décident du jour du mariage. Seulement avant cela, elle a eu une aventure avec un Français. La Troisième Avice se trouve continuellement dans l’hésitation. Ensuite, ce Français tombe malade d’amour, la Troisième Avice est très touchée et s’enfuit avec lui. À la fin, Jocelyn s’aperçoit que la mère adoptive de cet homme français c’est Marcia, celle avec qui il avait eu une aventure à l’époque, et donc il décide de se retirer pour leur faciliter leur relation. Peu après être rentré en ville, Jocelyn tombe malade, et c’est Marcia âgée qui prend soin de lui. Après qu’il a guéri tous deux se marient pour rester ensemble jusqu’à la fin de leurs jours.

Dans l’édition antérieure de 1892, la petite différence, c’est qu’au début où Jocelyn et Marcia font connaissance, ils se marient à Londres. Ensuite Marcia part. Finalement il se marie aussi à la Troisième Avice. Mais avec le retour de Marcia, leur mariage est automatiquement résilié.


Cette fois, hormis le fait que Jocelyn répète son destin, la Troisième Avice répète aussi le destin de la Deuxième Avice : elle aime la personne que la mère aime – Jocelyn. Bien que finalement elle choisisse le Français, du point de vue de son conflit, nous ne pouvons pourtant nier son amour pour Jocelyn. Jocelyn est aussi en accord avec un certain idéal masculin dans le cœur de la Troisième Avice.


En partant de l’expérience de la Troisième Avice, hormis les conclusions que nous avons tirées ci-dessus, nous pouvons également aussi voir :

Premièrement, le mariage et l’amour réels n’ont pas influencé la transmission de cet idéal masculin comme il est exprimé par le conflit de la Troisième Avice. Ainsi cet idéal masculin est relativement indépendant des autres idéaux masculins représentés par le père réel et d’autres hommes. En même temps l’expression de cet idéal masculin nécessite un homme véritable et en chair et en os, et donc l’apparition de Jocelyn suscite le conflit de la Troisième Avice.

Deuxièmement, cet idéal masculin transmis possède partiellement la fonction de père. Finalement si la Deuxième Avice, et la Troisième Avice n’ont pas choisi d’établir de relations avec lui, c’est seulement parce que Jocelyn est le fiancé de la Première Avice et que d’être avec Jocelyn cela signifie l’inceste. Pour comprendre ce conflit, la Deuxième Avice choisit un homme ayant le même nom de famille que Jocelyn. Et la Troisième Avice abandonne Jocelyn. Mais, ce à quoi il importe de faire attention, c’est que l’émergence de la fonction de père ici n’est pas seulement due au fait que Jocelyn dans la vie réelle assume l’autorité de père, mais, de façon plus significative, est due au fait que la transmission de la mère elle-même structure cette fonction.

Par ailleurs, le changement que l’auteur du roman a fait dans la deuxième édition, du point de vue du contenu, montre justement qu’il évite le conflit de l’inceste entre la Troisième Avice et Jocelyn.



- II -


Si nous faisons une hypothèse idéale : l’idéal masculin de la Première Avice vient aussi de sa mère, alors cet idéal peut continuellement être transmis vers le bas le long de la relation mère-fille. Ainsi, de la vie de cette famille part un axe de transmission maternelle. Cet axe est complètement structuré par la transmission féminine entre parent et enfant. En empruntant un schéma à la génétique nous pouvons l’exprimer ainsi :



Mais dans la vraie vie, nous ne pouvons que très difficilement voir le processus de développement indépendant de cet axe, en effet, cet axe est toujours mélangé à d’autres axes. Il n’y a que sous la condition d’un pur « matriarcat », que cet axe peut apparaître complètement indépendant.

Du point de vue de la biologie, cette transmission est similaire à l’hérédité cytoplasmique des cellules. Cependant, bien que sans fonction de fécondation, il ne puisse y avoir de zygote, le cytoplasme du zygote ne peut qu’utiliser celui de l’oocyte.


Maintenant, nous ne voyons dans cette transmission que ce qui est exprimé en premier c’est la relation de la génération mère-fille. Sur cet axe, la structure mère-fille est plus basique que la structure homme-femme et père-fille, etc. L’idéal masculin de la femme et même l’idéal féminin dans le cas où il n’y a pas la participation d’un homme, peuvent être transmis vers les nouvelles générations. En ce sens, on peut dire que c’est la transmission générationnelle qui suscite le désir sexuel, les rôles d’« homme » et de « père » sont positionnés par le biais de ce type de transmission.

Cette transmission n’est pas seulement transmise entre mère et fille, en même temps elle est aussi transmise entre mère et fils. Un analysant et sa mère avaient dans leurs enfances respectives une perception très floue de l’orientation.. Dans une foule, il montre cependant une perception très exacte de l’« Est », le ressentant comme très proche, alors qu’envers les autres positions il lui faut de plus grands efforts pour les définir. Cela lui apporte des difficultés dans la vie. Continuellement jusqu’à 13 ans environ, il se force enfin à apprendre à s’orienter en mettant en relation une direction et une habitation connue de parenté. En Chine, l’Est parfois représente l’endroit de la source. Ensuite, ce qui est plus important, c’est que sa grand-mère maternelle porte le nom de famille Chen [chén], un caractère qui comporte entre autres le caractère dōng [Est]. De plus, pour la génération de sa grand-mère maternelle, après le mariage d’une femme, elle change son nom de famille du nom du père au nom du mari. Ainsi dans cette famille, le nom de famille de jeune fille de sa grand-mère maternelle est peu employé.

Dans ce cas, l’analysant adopte le symptôme de la mère, et ce symptôme vient de la mère de la mère. Par le biais de ce symptôme, l’analysant conserve l’identification au nom de sa grand-mère maternelle.


La transmission de l’idéal est en même temps une transmission de désir. La question maintenant c’est de savoir comment définir cette transmission dans la théorie psychanalytique. Sur quel type de fonction se base cette transmission ? Quelle est sa relation avec le phallus ? Et si nous voulons répondre à ces questions, le plus important c’est de pouvoir répondre dans cette transmission à la question de la fonction de la mère, et du pourquoi elle peut prendre ces fonctions.

En même temps, c’est seulement comme cela que nous pouvons, en pratique clinique, mieux comprendre la relation complexe entre sexe et génération dans la vie familiale en Chine.


Note


En lisant le texte, nous nous apercevons que le l’idéal masculin de la femme provient non seulement du père, mais en même temps aussi de la mère. Inversement, il en est de même pour l’idéal féminin. Si nous faisons une hypothèse symétrique [5] : le processus est le même pour l’homme, alors nous nous apercevons que cette transmission symbolique est non seulement une transmission entre parent-enfant de même sexe, mais aussi en même temps entre parent-enfant de sexe différent.

Si nous remontons un peu dans le temps, nous pouvons trouver une structure de transmission de l’idéal. En même temps si nous ne pensons pas aux relations entre ces transmissions, et nous les considérons seulement en tant que quelques parcours indépendants, nous pouvons utiliser la logique de Livres des mutations pour décrire exactement cette transmission :




Dans ce schéma, le niveau le plus bas, le [yáo] Yang « 一 » exprime l’idéal masculin et le [yáo] Yin « - - » exprime l’idéal féminin. Ensuite, on rajoute à chaque fois un signe qui exprime la source de l’idéal. Si on ajoute un [yáo] Yang cela exprime une transmission venue du père, si on ajoute au-dessus un [yáo] Yin cela exprime une transmission venue du côté de la mère. Par exemple,                                    

    
  exprime l’idéal masculin transmis par le père.
    
  exprime l’idéal masculin transmis par le grand-père maternelle au travers de la mère.
    
exprime l’idéal féminin transmis par la grand-mère paternelle au travers du père.


Bien sûr cette structure logique est une structure idéalisée. En réalité, la transmission de l’idéal ne nécessite pas une telle description schématique si logique. Par exemple, dans les grandes familles chinoises, de nombreux enfants habitent avec leurs grands-parents paternels, et leur idéal va être transmis directement aux enfants, sans passer par les parents, la situation en réalité est plus complexe. Cette structure n’a une fonction que dans un domaine limité, le but étant de nous aider à mieux comprendre la transmission entre parent et enfant.



 

La bien-aimée


Ju Fei


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1 Ici, la raison pour laquelle j’utilise le mot « certain » c’est parce qu’il n’ y a pas qu’un seul idéal du symbolique, leur nombre correspond à leurs différentes sources. Cette discussion sera reprise dans la partie finale de ce texte.





















2 En fait, lorsque Freud dit à propos du choix de partenaire qu’il est toujours lié à des pulsions il s’agit déjà de la troisième dimension du choix de partenaire. Si nous disons que la pulsion s’étend entre corps et psyché, et que la dimension psychique peut être représentée par le Symbolique et l’Imaginaire, alors comment est représentée la dimension du corps ? En fait, cette dimension est établie sur la base de l’interaction du Réel et du corps entre mère et enfant. Cette interaction fait que la jouissance de l’enfant se fige sur des objets spéciaux, par exemple un son, un regard, qui ensuite influence le choix ultérieur de partenaire. Et dans le sens de la phylogénétique, ensuite au niveau du psychique il peut être symbolisé et imaginé. Ce choix réel constitue la base du choix symbolique et du choix imaginaire. Comme ce texte se limite au matériau du roman, ce texte ne peut discuter de cette dimension. En même temps il s’agit dans cette dimension de trop de concepts lacaniens, par exemple la jouissance, l’objet a, etc., ce qui pour l’auteur apparaît extrêmement complexe.










































3 Dans L’interprétation des rêves, Freud décrit une situation dans laquelle une belle-mère aime sa propre bru (voir le cas « caviar »).
























































4 Le manque de la femme concerne trois dimensions : le manque du penis du Réel et à la suite le manque de la capacité de symboliser et imaginer ce manque..Dans ce texte, il s’agit du manque symbolique , c’est à dire que la femme ne peut pas être définie par le  « phallus ».




























































































































































































5 Bien sûr, cette hypothèse-ci est une hypothèse de travail, dont le but est uniquement de simplifier l’approche théorique et clinique dans un domaine limité. Dans la vraie vie, nous observons plus souvent des asymétries entre hommes et femmes, si l’homme à la naissance rencontre tout d’abord la mère du sexe opposé, ou la femme se trouve à la naissance face à sa mère du même sexe.

Nos collègues chinois sont dans l’attente de commentaires sur leur texte (remplacer # par @)

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