Au colloque d’Emei Chan, je me suis ennuyé ferme, car tous les intervenants, sans dévier d’un mot, lisaient scrupuleusement leur papier au lieu de parler ; ça me pose question, sachant que l’analyse est une pratique de l’énonciation : une parole aussi libérée que possible des contraintes de l’écriture. L’écriture, en effet, c’est ce qui est fixe par opposition à la parole, qui laisse ouverte la possibilité du lapsus et du double sens qui saisit soudain le locuteur tout autant que l’auditeur au moment même où retentit la voix. L’écriture, c’est celle des formations de l’inconscient, qui ne perdent leur rigidité symptomatique que par la parole en analyse. Je conçois que les jeunes analystes chinois, peut-être impressionnés par cet auditoire d’analystes européens chevronnés, s’en tiennent à leur écrit. J’ai plus de mal à le comprendre des dits psychanalystes européens chevronnés.


Après trois jours de ce pensum, j’ai essayé de faire part de mon étonnement : « Quelle est la nécessité qui pousse tous les intervenants à lire leur écrit ? Nous les avons tous lus avant, ces écrits, pourquoi ne pas, ici, se donner l’occasion de parler ? La psychanalyse n’est-elle pas une pratique de l’énonciation et non de compilation des énoncés ? ». Remue-ménage et tollé général dans l’assemblée.

Certes, la psychanalyse en tant que pratique, c’est dans le cabinet de l’analyste que ça se passe. Ce fut la réponse spontanée de Huo Datong à mon intervention. Il a raison. Toutefois, alors, qu’est-ce qu’un colloque d’analystes ? L’enjeu est de taille et rejoint exactement l’enjeu qui avait circulé entre nos deux articles (L’inconscient est structuré comme un caractère chinois et Réponse à Huo Datong : en ligne par ici)

Cet enjeu se résume d’une question : la psychanalyse est-elle une science ?

Dans un colloque de scientifiques on tente de produire des énoncés : quelque chose qui soit transmissible à tous, identique pour tous, un savoir. Celui-ci porte sur un objet, détaché absolument du sujet. Ce fut l’apport fondamental de Descartes à l’avancée de la science en occident : séparer radicalement le sujet de l’objet. La science porte sur les objets et pour cela l’homme ne peut compter que sur lui-même. Pour le reste, ce qui concerne le sujet et son salut – en termes du XVIIe siècle, autrement dit le sens de la vie, on peut se référer à Dieu ou aux philosophes, ou au dieu des philosophes. On peut dire que ce dieu-là, Descartes l’invente à la suite d’une démarche rigoureuse, qui aboutit à son fameux, « je pense, donc je suis ». Et de garantie de la vérité il n’y en a pas d’autre qu’en un dieu supposé non-trompeur.

Wo xiang, re shui 我想热水 même si je n’ai pas inventé l’eau chaude. Cette parole chinoise, de mon cru, se prononce : [ouo siang, je shui]. Sauf que, si « wo xiang », signifie bien « je pense », « re shui » signifie en revanche : « l’eau chaude ».


On m’avait réservé un temps de présidence des débats au dernier après-midi, en corrélation avec Daniel Bonnetti. Dés avant, lors de la visite du magnifique Temple du Tigre, situé à une demi-heure de marche de l’hôtel où se tenait le colloque, je sentais monter une légère migraine. Celle-ci s’est accentuée pendant l’exposé de l’analyste chinois, Yan Helai, qui portait sur un cas d’analyse par internet, ce qui pose un problème fondamental à la psychanalyse. L’analyse se fonde sur l’énonciation d’un sujet ai-je dit, et donc une analyse qui ne se ferait que par écrit pose un problème. Le problème qui se pose lorsque des analystes réduisent des paroles à des écrits. Le problème qui se pose à nous lorsque nous comparons les écritures occidentales et l’écriture chinoise, structurée comme un rébus, ainsi que le montrait fort bien Yan Helai dans son exposé. Donc comme un rêve, puisque Freud comparait déjà le texte du rêve à un rébus, et au caractère chinois.

Néanmoins, on n’avait pas reçu cette parole par laquelle j’essayais de poser la question fondamentale du sujet de l’énonciation. Lorsqu’une parole est rejetée, c’est comme si elle n’avait pas été dite. Selon la définition que Lacan donne du dire, pour qu’un dire soit un événement, il faut qu’il soit entendu. Sinon autant parler à un mur. C’est le sentiment que j’avais eu deux jours plutôt en essayant de faire valoir la parole contre l’écriture. Ce mur restait donc pour moi comme un Réel, un insaisissable. Et voilà qu’un collègue chinois me mettait sous le nez l’inconscient structuré comme un caractère chinois. Cela posait une vraie question, dont j’ai l’impression que le colloque n’avait pas encore pris la mesure dans sa propre façon de travailler. Car les réactions souvent scandalisées qui, au débat, firent écho au propos de Yan Helai, m’apparaissaient d’aveuglement quant à la pratique même qui avait été celle du colloque jusque-là : l’écrit y avait largement pris le pas sur la parole… sauf dans les interventions de quelques analysants chinois, intervenant dans les débats pour parler de leur propre analyse, de leur propre place… au lieu d’interpréter les dires des autres, devenus des écrits dans la façon dont ils étaient rapportés.

J’ai donc senti ma migraine se transformer peu à peu en migraine ophtalmique sur l’œil gauche. En même temps la douleur prenait de l’intensité. J’ai dû faire des efforts terribles pour assumer mon rôle de président jusqu’au bout ; je suis même parti avant la dernière intervention, tellement j’étais à bout. Je suis allé me coucher, ne pouvant même pas me relever plus tard pour aller au banquet de clôture.

Ce que je ne pouvais pas dire, car je savais à présent que ça ne pouvait pas être entendu, mon symptôme l’écrivait. Je vous parle de mon symptôme plutôt que de ceux de mes analysants, car j’ai bien lu ce que Freud disait du rêve, dans la Traumdeutung : il ne peut être analysé que par le rêveur lui-même. Il en est de même du symptôme, puisque dans ce même ouvrage, Freud pose que ce sont les symptômes de ses premiers analysants qui l’ont mis sur la voie de l’écriture de l’inconscient, dont le rêve sera la voie royale.

La méthode de Freud, si elle ne confie pas tout le travail d’interprétation des symptômes à l’analysant, consiste cependant à ne la lui exposer, sous forme de constructions complexes, que lorsqu’il est sur le point de la trouver lui-même. Lacan ira plus loin dans cette voie en inventant la scansion de la séance, qui suspend le discours afin qu’advienne la parole… à la séance suivante. La parole de l’analysant, bien sûr. Il systématise ainsi la méthode de Freud sur le rêve, confiant tout le travail d’interprétation à l’analysant. Le travail de l‘analyste consiste seulement à trouver la bonne coupure, afin que se réalise l’objectif que Freud donnait finalement à l’interprétation : non pas apporter une signification, mais permettre qu’advienne « un nouveau matériel ». Autrement dit : qu’advienne par la parole le mouvement de la signifiance, qui débloque la fixation de cette écriture qui s’appelle symptôme. Que cesse de s’écrire (par la parole) ce qui ne cesse pas de s’écrire (dans les formations de l’inconscient). Et en fin de compte : que, de là, advienne du sujet : Wo es war, soll Ich werden. Là où c’était, je dois advenir.

Le transfert ne me semblait pas plus pris en compte dans les exposés cliniques. S’il était parfois évoqué – fort rarement – c’était toujours dans le sens inverse à celui promu par Lacan : « il n’est de transfert que de l’analyste ». Je n’entendais parler que du transfert du dit « patient », car le mot « analysant » ne semblait pas non plus de mode – pourtant, à mon sens ce sont les médecins qui ont des patients, tandis que les analystes ont des analysants. Tout se passait comme si les « cas » exposés étaient des « moi », des personnalités dont il était question de repérer les traits. Tandis qu’un sujet, c’est dans un transfert qu’il peut advenir. Il n’est pas de sujet sans autre.

Voilà la conviction qui est la mienne, et qui me semblait contredite, au colloque, par le défilé de ces écritures vocalisées dans l’ennui. Pas de place pour la parole, et donc logiquement, pas de place pour le transfert, qui en découle, nous dit Lacan. Le colloque devenait un colloque de scientifiques qui se transmettaient des énoncés.


Je n’ai pas pu dire cette conviction, au sens où elle n’a pas été entendue. Ma migraine ophtalmique l’a donc écrite au moment même où mon travail consistait à donner la parole : donc à ne surtout pas la prendre.

Il est vrai que chacun cherchait à la prendre, cette parole, et à la garder le plus longtemps possible, comme toujours dans tous les colloques de la terre. Car chacun sent obscurément que c’est de la parole que naît le sujet. Pour survivre, il faut trouver interlocuteur et parler. La fonction de président de séance a donc toute sa nécessité et sa noblesse. Il s’agit de faire en sorte que chacun puisse advenir comme sujet, dans une sorte de simulacre de l’analyse.


Alors je vais profiter de la tribune que m’offre Olivier Douville pour prendre cette parole – hélas, par écrit. Pour faire quoi ? Analyser mon symptôme pardi !

Quelque temps avant de m’envoler vers la Chine, j’avais fait le rêve suivant : J’assiste à un meeting aérien. Mais ce sont des avions de ligne qui font des acrobaties. J’en vois un rouge et blanc, très élégant, biréacteur, faire lourdement loopings et vrilles, de plus en plus bas. va-t-il s’écraser ? Non, finalement. Un quadriréacteur maintenant, encore plus lourd, faisant ses acrobaties encore plus lentement et de plus en plus bas. Et enfin, un avion pratiquement sans ailes, ressemblant à un half-track. Il fait lui aussi ses loopings de plus en plus bas, et finalement il part dans une vrille descendante. Il se rattrape au dernier moment pour réussir à atterrir au lieu de s’écraser, mais il atterrit… dans la cour de la station-service. On en est à une semaine de mon départ pour le colloque de Chengdu. Je vais donc prendre un de ces avions. Je n’ai qu’à moitié envie d’y aller : d’où le half-track. Et d’où, à mon avis, l’explication des symptômes physiques qui sont les miens depuis trois semaines. Début mars, j’avais fait une chute au ski. Depuis, j’avais très mal la nuit, à l’épaule droite. Et comme si ça ne suffisait pas, le samedi précédent, je m’étais fait une entorse au pied droit, soit, du même côté que l’épaule. Tout mon côté droit est « mutilé » : je suis un half-track. L’écriture sur le corps tente une sortie, une écriture un peu moins mutilante sous la forme d’un rêve.

Ce samedi, mon ami Henri Fontana ami venait de m’apprendre que le livre que nous avions écrit collectivement à quelques-uns autour de la question « Chine et psychanalyse », ce livre avait été présenté au salon du livre, devant la télé chinoise et le public présent, avec la participation du sinologue dont nous avions étudié les travaux, François Jullien… mais l’organisation de cette manifestation n’avait invité aucun d’entre nous. Mieux, il avait, paraît-il été question de l’article de « Paris-Match » sur la psychanalyse en Chine, dans lequel il y a, à la fois, la photo de groupe que nous avions fait à Chengdu lors du premier colloque (je suis donc sur cette photo), il y a deux ans, et annonce du colloque de cette année à Xi’an. Il y a un colloque cette année à Xi’an, mais ce n’est pas le nôtre.

Enfin, nos noms ne sont pas sur la couverture du livre, nombreux articles ont été coupés, et aucune allusion n’évoque, ni dans la préface, ni ailleurs, le fait que ce travail en France avec le sinologue François Jullien a été initié, préparé, et conduit par Henri Fontana.

Par contre je retourne au colloque de Chengdu, où, contrairement au précédent, je ne parlerai pas… lors du premier colloque, en 2002, j’avais été invité à parler au second. Or il s’est avéré que, finalement, non. Voyez : ils m’ont coupé les ailes. Entre un avion de ligne et un half-track, la différence, c’est ça.

Voilà, c’est une bête histoire de narcissisme atteint par des circonstances extérieures, qui font que je n’ai qu’à moitié envie d’y aller. Alors on dirait qu’il faut que j’en rajoute, comme pour m’empêcher de m’y rendre sous des prétextes d’indisposition physique. Ça s’appelle se mettre des bâtons (de ski) dans les roues, ce qui est au principe de toute névrose. Je ne vais pas pouvoir aller faire mes acrobaties verbales devant le public qui convient. Bien sûr je vais y aller quand même, en pestant en plus contre moi-même d’avoir un tel narcissisme qui préfère se mutiler plutôt que de faire contre mauvaise fortune bon cœur.

Enfin, dernier élément d’interprétation : certes je vais avoir à prendre l’avion, et ça suffirait à expliquer les avions de mon rêve. Mais ce n’est pas la première fois que je rêve d’avions et leur forme phallique ne fait plus l’ombre d’un doute pour moi. Autrement dit, je ressens cet épisode chinois comme suit : on m’a coupé la parole, c’est comme me couper les ailes, et c’est comme une castration.

C’est dans ce contexte personnel que j’ai vécu le colloque. Une longue suite de mutilations, d’écritures douloureuses sur le corps, se trouve confrontée à une litanie d’écritures qui, à mon sens, brisent le mouvement de la parole. Ma tentative de prise de parole n’est pas reçue : le corps reprend donc son travail d’écriture. Cette fois, aucune maladresse, aucune loi de la pesanteur, ni aucune fatalité ne peuvent être invoquées pour expliquer la douleur. Elle est purement… hystérique ou psychosomatique ? Autrement dit, cette douleur à l’œil gauche peut-elle produire une signification, est-elle métaphore d’une représentation cachée, où est-elle pure suspension du sens ?

Pourquoi cet atterrissage dans une station-service ? Il se trouve qu’à ce moment-là, dans mon cours de chinois, nous travaillions depuis deux semaines sur un texte qui s’intitulait : 意思 yisi, prononcer [hi-seuh], ce qui veut dire, je vous le donne en mille : « le sens ». Je suis donc à la station des sens, puisque ce texte chinois parcourt tous les sens que peut prendre « yi si » selon les contextes, notamment le sens d’« intérêt ». Ça m’a fait prendre conscience, en retour du chinois sur le français, que le sens, c’est l’intérêt, autrement dit, l’investissement libidinal. Autrement dit encore, que même dans la langue la plus éloignée de la nôtre, on tombe sur la trouvaille fondamentale de Lacan : ces histoires de pulsion chez Freud, ce n’est que de la grammaire et du lexique. C’est de la lettre et du signifiant.

D’où l’intérêt d’apprendre une langue étrangère, et de prendre langue avec des collègues étrangers.

La signifiance, c’est bien l’exercice de la fonction phallique : mon half-track, avion aux ailes coupées, m’évoque parfaitement le phallus, en métaphore de la parole coupée. Ça, je peux le dire, parce que c’est de mon rêve que je parle. C’est venu dans mes associations : il est vrai que c’est venu dans mes associations. Donc c’est vrai. Il ne saurait en être de même si je parlais du rêve (ou du symptôme) de quelqu'un d’autre. Car parlant du rêve (ou du symptôme) de quelqu'un d’autre, il est indéniable que ce n’est pas cet autre qui parle. Et que si j’en parle, c’est que j’associe à sa place : donc c’est faux.

Du fait cette double non-invitation (je ne suis plus invité à parler à Emei Chan, on a oublié de m’inviter au salon du livre) mon voyage en Chine a perdu la moitié de son intérêt, la moitié de son sens. Je vais quand même y atterrir sans dommage, mais ça, c’est pour démentir, que, des dommages, je m’en suis fait moi-même, de façon à garder la maîtrise : ce n’est pas les autres qui m’ont fait du mal, je m’en charge très bien moi-même. Ce n’est pas les autres qui me font subir cette castration, c’est moi tout seul.


Tous les éléments du rêve sont donc métaphoriques. Il n’y a pas suspension des sens, mais au contraire prolifération, tous se ramenant au sens fondamental de la castration.

De quoi la migraine ophtalmique est-elle la signification ? C’est avec l’œil qu’on voit l’absence de pénis chez une femme. Si l’absence de parole a déjà été écrite, par mon rêve, comme une castration, alors il est possible que la régression, au sens où l’emploie Freud se poursuive jusqu’à l’organe des sens dévolu à cette prise en charge. Pourquoi pas les deux yeux alors ? Parce que l’humanité est déjà coupée en deux, les hommes et les femmes. Il est possible que le corps reflète, tel un miroir, cette coupure, faisant apparaître la différence là où il n’y en pas : les deux yeux sont semblables, et pourtant, par la douleur, une différence coupe le visage en deux. De même, le petit garçon que j’étais, ne s’attendant pas à trouver une différence sur la zone génitale féminine, a dû chercher à conserver une illusion d’identité. Les yeux ont été chargés de produire cette illusion, mais comme par ailleurs, ils avaient quand même vu cette différence, le symptôme représente, comme tout symptôme, un compromis : c’est à la fois la même chose (deux yeux) et pas la même chose (un seul œil supporte la douleur imaginaire de la coupure).

De même, mon rêve : il y a de l’envol, il y a même de l’acrobatie aérienne, il y a un intérêt à prendre l’avion pour la Chine, il y a du phallus. Et puis il y a une coupure en deux, un half-track, un avion sans ailes. Il atterrit lourdement à la station des sens, et justement, de ne pouvoir parler, d’avoir été coupé dans mon élan, je me sentais mal à l’aise au colloque d’Emei shan : en chinois, bu hao yisi mal à l’aise, dans lequel on reconnaît dans les deux derniers caractères, le mot yisi, « sens ». Mot à mot : « pas le bon sens ».

J’insiste : tout cela, je ne peux le dire que parce que ce sont mes associations. Mais je ne pourrais pas les appliquer à un analysant, ni par exemple, au rêve de Freud qui présente une similitude, le rêve « on est prié de fermer un œil (les yeux) » (Traudeutung, PUF p. 273. GWII/III 322-3). De même, Freud ne pourrait pas appliquer les siennes à mon symptôme. Tout juste pourrais-je dire : ça m’a fait penser au rêve de Freud.

L’utilité pour l’analyste, lorsqu’il se fait l’analysant de sa propre écoute, c’est de s’apercevoir à quoi la parole de l’analysant vient de lui faire penser. Ah tiens, ça me fait penser à…, et de se rappeler alors que c’est lui, l’analyste, qui alors pense. Ainsi ce processus d’identification produit-il paradoxalement de la différence : c’est moi qui ai interprété ainsi, ce n’est pas lui. Ce qui permet de rester modeste et d’accepter de se laisser surprendre par un autre dire, complètement inattendu.

Quand je parle de la pensée, je pourrais tout aussi bien dire l’écriture : ce qui est inscrit, et qui constitue la page d’accueil sur quoi toute nouvelle parole entendue vient s’inscrire. Et cette dernière choisit évidemment de s’inscrire là où elle trouve des écritures semblables. Ça permet de gagner de la place : la condensation freudienne est proche de la compression du signal dans les ordinateurs. L’identification des écritures, tels est donc le travail quotidien de l’analyste dont il ne peut rendre compte qu’en devenant lui-même l’analysant de sa propre pratique. L’analysant ne se définit alors que comme celui qui, parlant, produit du sujet de l’énonciation. Encore faut-il se donner les moyens de cette énonciation, et à mon sens, lire son texte c’est en rester aux énoncés, pour bien se garder de produire de l’énonciation. Parler de l’autre dans la clinique, c’est aussi une bonne façon d’éviter de produire du sujet.

Chacun fait comme il peut en fonction de ses convictions, de son expérience, de son analyse. Je ne fais ici qu’exposer mon ressenti, mon symptôme, et mon analyse, sans faire aucun grief que ce soit à mes collègues, qui sont bien libres de concevoir l’analyse autrement. Je termine donc en m’adressant à mes collègues du colloque d’Emei Shan : ne soyez pas affecté parce que je dis de mon ennui. C’est mon ennui, et j’essaie d’en traquer les raisons ; ça me permet d’avancer dans mon analyse, et de faire l’exposé de ma façon de concevoir l’analyse. Chacun son Freud, chacun son Lacan, et surtout : chacun son analyse.

 

Une énonciation au colloque

Richard Abibon

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