Ce cas clinique que je vous présente est un cas exécuté au travers du déchiffrage de l’écriture chinoise dans l’internet.


Le système d’entrée de données employé par nous, moi et analysant, est le système de « cinq traits » qui est une méthode de la transmission inventée selon les caractéristiques de la formation de l’écriture chinoise en appuyant sur les cinq éléments fondamentaux de la formation du sinogramme : trait horizontal, trait vertical, trait descendant vers la gauche, trait descendant vers la droite et angle. Le principe de ce système se donne à ce que l’on décompose d’abord les caractères en traits fondamentaux, puis, on fait entrer les codes qui représentent ces traits en questions et leurs positions. Par rapport au système de la transmission phonétique, pinyin, qui est une autre façon de faire entrer les caractères, ce système de la transmission de la forme graphique est plus difficile à apprendre, mais, après que l’on y est habitué, la vitesse de frappe sera plus rapide que celle du système de la transmission phonétique.

Pour mon analysant, l’apprentissage du système de la prise de données selon les cinq traits comporte peut-être certaines significations particulières, car, à l’âge de quinze ou seize ans, il s’intéressa tout un coup à la forme de l’écriture chinoise et aimait s’interroger « pourquoi une telle écriture et quelle en est l’origine ? »


Je n’ai jamais rencontré cet analysant, Monsieur Wu ou ce monsieur sans nom. Tout contact entre nous n’a été réalisé que via l’internet. D’abord, nous sommes convenus par émail de la fréquence de l’analyse et des temps des séances, puis, assis aux deux bouts de l’Internet dans le même temps nous commencions l’analyse. Quant aux frais de l’analyse, il les transférait par avance sur mon compte bancaire.

J’appris au cours de l’analyse qu’il était un employé d’une compagnie âgé de vingt-cinq ou vingt-six ans, fils unique d’une famille dont le père est un chercheur scientifique qui travaille dans son propre laboratoire et la mère est ouvrière dans une usine. Il dit qu’il est tombé dans cette maladie depuis longtemps et a reçu des traitements également depuis longtemps et que le médecin pense qu’il a une névrose obsessionnelle. Mais, c’est la première fois qu’il demande secours à la psychanalyse et son problème principal est qu’il a beaucoup de fantasmes bizarres et terribles, par exemple, au moment où il prend un bain, il pense toujours que l’eau ressemble à une rivière d’acier qui rôti et brûle sa peau.

La première phrase qu’il m’a dite dans l’analyse est la suivante : « Un jour, j’apportais un outil à un parent, mais, je reçus en échange de lui une bonne leçon. »

Dans cette phrase, il manque un caractère devant le caractère (qin, « parent »). Selon le « il » qui vient après, le parent dont il parle est masculin, le caractère manquant doit être celui de père. Selon le « Dictionnaire étymologique des caractères Shuowen jiezi, composé vers 100 Ap.JC », le caractère « Père est aussi équerre (ju), puisqu’il est chef de la famille et éducateur » et « l’équerre est le compas-équerre (qui se dit métaphoriquement la règle) et appartient à la catégorie de l’outil. »

Dans cette première phrase de M. Wu, il y a donc un lapsus, puisqu’il y manque le caractère (fu, « père »). Celui-ci signifie aussi l’équerre qui est un outil. Cet outil se trouve bien dans cette phrase et cet outil sert également de l’éducation au chef de la famille, c’est-à-dire sert à « faire la leçon ». C’est-à-dire, bien qu’il ait manqué le caractère de père, celui-ci a été défini par la narration de la dernière partie de la phrase ou bien plus exactement il a été remplacé lors de la narration d’après. Cet « après » ne signifie pas seulement la partie dernière de cette phrase, mais je veux dire que tout ce dont il parle après en analyse vient toujours illustrer ce manque.


Au cours de l’analyse, les phrases exprimées par Monsieur Wu ne sont généralement pas très longues, même, quelques fois une locution seulement, il faut relier plusieurs expressions entre elles pour former une phrase. Il change souvent de sujets à chaque séance, tandis que, du point de vue du sens des caractères, le changement de sujets m’apparaît comme très brutal. Quelques séances après, j’ai pu progressivement comprendre qu’il a parlé de plusieurs sujets en les croisant qui sont des idées qui lui effleurent le cerveau. Lorsque ces idées surgissent, il se met alors à parler. Parmi ces idées, certaines sont des sensations terribles ou bizarres et d’autres apparaissent comme des petits détails de la vie quotidienne.

Au cours de l’analyse, Je ne regarde la plupart du temps que les caractères apparus sur l’écran via l’internet. Et je sais que ces caractères que Monsieur Wu me donne à lire signifient quelque chose et ce quelque chose se trouve bien au milieu de ces caractères. Mais franchement, je ne sais pas ce que veut finalement exprimer Monsieur Wu, je n’en ai qu’une légère sensation, une sensation comme celle que j’ai en regardant un tableau abstrait dans lequel se présentent certaines choses qui n’ont aucun rapport apparemment, mais leurs positions sont bien appropriées l’une par rapport à l’autre.

Au cours de l’analyse, je prête une attention particulière aux lapsus écrits par lui, au caractère incorrect ou à la phrase manquant de cohérence. J’ai fait souvent une petite remarque à l’endroit du lapsus pour que Monsieur Wu prenne note de ce lapsus. Je crois que certaines fois pour comprendre un lapsus, il faut comprendre un peu plus le sens sous-jacent de l’écriture et un peu plus les relations entre les divers sujets ainsi exprimés. Le lapsus constitue donc la clef de voûte du déroulement de notre analyse.


Au cours d’une séance, Monsieur Wu parle d’un professeur de sport dans son école primaire en disant : « Lors d’un cours de sport, je reçus une leçon de la part de l’instituteur. Trop irrationnel, insupportable ! Il m’a battu aussi, battu ma face. De là peut-être ma colère à l’égard de toute la masculinité. »

Avoir reçu des coups de la part de l’instituteur, il est normal de s’être mis en colère à l’égard de cet homme, mais, à partir de ce fait porter sa colère à l’égard de tous les hommes, me semble exagéré. Il avait déjà parlé aussi du conflit avec une institutrice, mais, il ne ressent pas pour cette raison une colère à l’égard de la féminité. Si l’instituteur représente toutes les caractéristiques de la masculinité, son père est aussi masculin, alors l’instituteur peut probablement représenter son père, et sa colère à l’égard de la masculinité doit aussi comporter une colère à l’égard de son père. En Chine, il se trouve toujours un certain équivalent entre la position du professeur et celle du père, tous les Chinois par exemple connaissent la phrase selon laquelle « on est professeur un jour, on est père à vie », d’autant plus qu’il manquait le caractère de père dans sa première phrase de l’analyse ce qui laissait déjà à entendre une tension entre lui et son père.

Monsieur Wu dit enchaînant aussitôt : « (Je) pense tout un coup aux dents, à mes dents et que dans l’école primaire, grâce au service d’hygiène, on avait le traitement prophylactique des maladies dentaires et tout camarade recevait ce traitement. »

Il n’y a pas de lien en apparence entre l’instituteur mâle et la protection de la cavité buccale. Le fait que ces deux choses lui soient successivement arrivées me semble être fortuit. Mais, dans une séance ultérieure, il revient sur la protection de la cavité buccale en disant : « À l’école primaire, je recevais un traitement de prophylaxie dentaire… ma bouche mordait un certain liquide blanc qui s’égouttait, sale, sale. »

J’étais conscient de l’illogisme dans cette phrase : « ma bouche mordait un certain liquide ». Pour les liquides, on n’emploie pas habituellement le mot « mordre », les choses qui peuvent être mordues sont des choses solides, il me semble que personne ne peut « mordre un certain liquide ». De plus, nous pouvons remarquer que dans le caractère équivalent au mot français « mordre » se trouve un autre caractère qui veut dire « père », puisque l’on peut décomposer ce caractère (yao, « mordre ») en trois parties (kou, « bouche » ) (tou, « chapeau ») (fu, « père »). Il est possible qu’il se trouve une certaine relation entre le père et la protection de la cavité buccale et il est également possible que tout cela ne soit qu’occasionnel.

Néanmoins, cette relation est clairement visible dans son imagination suivante qui sera dite par deux fois. La première fois à la fin d’une séance : « (je) Pense à un camarade, il était très intéressant, mon impression sur lui devient moins profonde, il était un peu stupide. Oui, le vêtement qu’il se met ressemble au mien. Le vêtement de travail de l’usine de ma mère. Il urine tout à coup, c’est trop bizarre, c’est trop bizarre. »

Après ce propos, par un « est-il presque l’heure ? » il souhaite terminer l’analyse. Cependant je ne suis pas d’accord pour terminer sur-le-champ cette analyse et je tapais une série de « » pour montrer qu’il pouvait continuer à parler. Deux minutes plus tard environ, il dit la phrase suivante : « Un instituteur est en train de faire du coït avec lui, trop bizarre, trop bizarre. »

Il reprend au milieu de la séance suivante ce fantasme : « De retour à la scène de la fin de la dernière fois lorsque l’instituteur est en train de faire du coït avec un camarade. Celui-ci ressemble à moi, non, pas à moi, mais, alors qu’il urine, cet instituteur le force à faire quelque chose, il me semble qu’il lui fait manger des choses évacuées. »

Monsieur Wu dit « le vêtement porté par ce camarade ressemble au mien » et « il semble que c’est moi, puis il semble que ce n’est pas moi », ce sont des simulations faciles à percer et ce camarade doit donc être Monsieur Wu lui-même. Pour ce qui est du « coït » de quel coït s’agit-il ? Je me souviens que quand il a parlé de l’instituteur la première fois, il a ensuite parlé de protection de la cavité buccale et en parlant de protection de la cavité buccale, il a mentionné de façon inopportune le mot « mordre » dont le caractère chinois peut être détaché en bouche (, kou) et croisement (, jiao. Ces caresses buccales sont probablement ce « lui fait manger des choses évacuées ».

    J’ai tendance à penser que ce camarade dans le fantasme homosexuel est le substitut de Monsieur Wu, mais, je ne suis pas sûr que l’instituteur présenté dans ce fantasme soit ou non un substitut, bien que je me sois douté qu’il a remplacé sa colère sur son père par celle sur son instituteur lorsqu’il a mentionné qu’il était battu par ce dernier. Un fantasme dont il a parlé ultérieurement me confirme en quelque sorte mon doute, quoique ce paragraphe soit relativement ambigu : « L’image du père nu, (je) ne sais pas ce qu’il fait… (je) ne le sais pas, son corps semble voûté,…  il semble que ma pensée soit bloquée et je n’ose pas continuer à penser ici j’ai donné une série de points « » et j’ai attendu un moment… le père se trouve sous l’arche d’un pont, je ne sais pas ce qu’il veut que je fasse… L’image de ma mère elle aussi nue, elle semble très souffrante et ouvre la bouche. »

Je pense que par cette association nous pouvons mettre un signe d’égalité entre son instituteur et son père. De plus ici apparut également « la mère ». Son image et la « mienne » alternent. Si l’on relie ceci à ce qu’il a dit à propos de la scène du coït avec l’instituteur et au fait que le vêtement porté par le camarade non seulement « ressemble au mien », mais encore à « celui de travail de l’usine de ma mère », le fait que la mère et le fils portent le même vêtement indique peut-être que leurs positions sont en quelque sorte identiques.

S’il en est ainsi, nous pouvons peut-être réduire les deux personnages présentés dans la scène du coït homosexuel à un père et à un fils et celui-ci qui a pu se présenter dans cette scène n’est que le substitut de la mère.


Je crois qu’une telle compréhension n’est pas erronée, puisque Monsieur Wu ne craint pas de parler de la scène sexuelle entre ses parents qu’il a vue : « La scène sexuelle entre mes parents, j’étais bébé, je l’ai vue et reçus en même temps une leçon de la part du père. »

Il a parlé aussi de son sentiment d’alors : « J’étais figé comme un coq en bois. »

« Comme un coq en bois » est très juste pour qualifier son bouleversement et également pour indiquer peut-être qu’il lui était difficile d’accepter ce qu’il avait vu : peut-être sa mère qui « ouvrit sa bouche en mangeant certaines choses évacuées ». Mais ce qui est plus important c’est qu’il n’arrivait pas à comprendre l’attitude de ses parents : sa mère « semblait très souffrante » mais son père lui fit la leçon et lui « se mit en feu » (fahuo, 发火, « en colère »). À propos de la relation entre ses parents, Monsieur Wu dit : « Je trouve toujours que ma mère souffre beaucoup, car, mon père a un tempérament très mauvais et il se met en feu (fahuo, 发火, « en colère ») en toute occasion. »

Et lui-même, il a parlé à plusieurs reprises du tempérament très mauvais de son père qui lui faisait souvent la leçon. Il est donc naturel que le fils et la mère aient une même attitude à l ‘égard du père- mari : « Nous n’avons pas le choix et nous sommes également saisis de peur. »

Dit ainsi Monsieur Wu. Nous pouvons déduire de cette phrase que du fait d’être conjointement face à cette antithèse père-mari, le fils et la mère (nous) trouvent étroitement collés au niveau de l’esprit et tous deux se trouvent dans la même situation.

En tant que tous les deux sont les objets du « feu ou colère » de cet homme autoritaire, ce que le père a fait avec la mère pourrait être ce qu’il fera avec lui ; ce que le père a forcé la mère à faire pourrait devenir ce qu’il le forcera à faire. En ce sens, s’il a vu la scène du coït oral entre ses parents, nous ne pouvons pas penser que son fantasme sur le coït homosexuel soit une chose incompréhensible. Si le coït ne se réalise pas seulement avec l’organe féminin, mais avec un organe qui peut-être pénétré comme la bouche (ou l’anus), alors, un garçon peut également avoir une certaine relation sexuelle avec le père. En effet, comme je l’ai montré plus haut, il a déjà agi ainsi avec son père dans son association. Et ce point-ci peut se vérifier également par une de ses associations suivantes :

« L ‘échangeur (qui se dit en chinois lijiaoqiao 立交桥 ou « pont des croisements dans l’espace » (le caractère de croisement ou jiao comporte dans sa partie inférieure le caractère de père ou fu, ), le train court sur le pont… Le train a déraillé et est devenu un serpent, ce serpent a pénétré dans ma bouche… Je veux le tirer avec mes deux mains, mais, ma bouche s’entête en voulant l’absorber. Le serpent est entré dans mon estomac, puis, il en est sorti de nouveau, sa tête reste dans ma bouche, c’est très nauséabond. »


Le fantasme du coït sexuel se produisait chez Monsieur Wu avant la deuxième ou troisième année de l’école primaire, puisqu’il peut se souvenir de la première association terrible suivante : « En deuxième troisième année de l’école primaire, un jour, j’étais sur le chemin de l’école, devant une petite boutique je toussais un crachat, une image me vint au cerveau, un crachoir est en train de se déverser dans ma bouche. »

Pourquoi ces crachats ? Il est probable que le crachat soit un genre de liquide blanc (qu’il a mentionné à propos de l’hygiène buccale) ou qu’il ressemble au sperme ? Mais, tout cela n’est qu’une hypothèse, je n’en ai pas trouvé chez Monsieur Wu des associations directes, cependant, il a parlé de la relation entre le crachat et le feu (expression chinoise pour dire ‘colère’ en français) : « Je marche sur le toit, le toit est couvert de tuiles dans lesquelles s’est enfoncé un de mes pieds, mon pied est justement allongé dans le brasero, non pas dans le frère aîné du crachat, les deux objets se sont entremêlés ».

Ce crachoir et ce feu s’entremêlant dans son cerveau nous indiquent bien une certaine relation entre ces deux objets, de plus, nous pouvons constater qu’il y a deux feux (huo,) dans le caractère du crachat (tan,). C’est peut-être par cela qu’il y a un lien ces deux objets.

Le « feu » apparaît souvent dans les associations de Monsieur Wu, « voiture de feu » (expression chinoise pour le « train »), « lance-flammes, flamme, feu ardent etc. », il parle de temps en temps d’une « association avec le feu » pour exprimer sa sensation selon laquelle l’eau du bain ressemble à une eau d’acier. Par exemple pour la voiture de feu (train), il a déjà mentionné que le serpent est une transformation de la voiture de feu (train). « Se mettre en feu ou en colère » est une expression figurative, Monsieur Wu utilise souvent cette expression pour qualifier le mauvais tempérament de son père. Quand il avait vu la scène sexuelle entre ses parents, son père se mit une fois en feu ou en colère envers lui de sorte qu’il resta « figé comme un coq en bois ».

Bien qu’il ait aussi parlé de « pulvériser une femme avec le lance-flammes », les endroits où il exprime ce goût pour le feu se rencontrent peu.


Par contre, il a beaucoup parlé de son goût pour l’eau : « Lorsque j’urine, j’aime bien arroser des objets », « Lorsque j’urine, j’aime bien nettoyer le mur comme on nettoie un mur avec un robinet ». « J’aime nettoyer avec le tuyau d’eau l’égout couvert et le puits d’égout »

Bien que l ‘on puisse constater dans ses rêves et ses imaginations qu’il a une peur très profonde de la masturbation il dit ouvertement que cette peur vient de son père, on peut s’apercevoir également de par ses descriptions qu’il prend aussi plaisir à la masturbation. Ainsi de ces deux segments d’association qui surgissent successivement dans son cerveau :

« 1. (fil de pensée) Je cherche de nouveau le tuyau, cette fois-ci c’est le tuyau de descente, c’est le tuyau situé sur le toit et servant à faire descendre l’eau, l’eau va vers la mer (dahai, 大海), l’île, l’île…

2. Des outils en pierre, un endroit où vécurent des populations primitives, ce sont les vestiges Hemudu (河姆渡), ça sort finalement, l’outil en pierre a été cassé, l’eau s’en écoule. »


Nous pouvons remarquer que la mer où va l’eau se dit en chinois dahai et s’écrit 大海(grande mer) et le deuxième caractère hai comporte le radical de la mère (mu), par ailleurs l’endroit où se trouvent les outils en pierre s ‘appelle hemudu et le deuxième caractère mu comporte aussi le radical de la mère . Est-ce que tout cela signifie que l’objet de ses pulsions sexuelles est à sa mère ?


L’opposition entre le feu et l’eau s’est également souvent exprimée au cours de l’analyse, le plus souvent c’est un objet (généralement la maison) qui se met en feu, puis, on l’éteint avec le robinet. Une fois cette scène s’est passée sur le gâteau d’anniversaire : « Le gâteau, le gâteau blanc, le gâteau blanc, le feu et encore le feu, la flamme au-dessus de la bougie, l’eau, l’eau est en train d’éteindre le feu, le robinet d’incendie, le gâteau a été coupé en deux, encore en deux, deux parties très régulières. »

Le gâteau d’anniversaire, blanc et coupé en deux par l’eau et le feu, signifie-t-il que Monsieur Wu s’est divisé lui-même en deux ?


Dans l’analyse, Monsieur Wu n’a pas seulement saisi des caractères. Il a de temps en temps tapé les transcriptions phonétiques pour exprimer un certain caractère. Une fois, Monsieur Wu exprime ce qu’il veut dire de la manière suivante : « La petite xiang devant l’école primaire, je jouais avec quelques camarades. »

Si l’on utilise le pinyin pour écrire un caractère, une confusion s’instaure, par exemple 98 caractères s’écrivent phonétiquement xiang. Je considère donc cette transcription phonétique xiang comme un lapsus. À ma demande, il a finalement tapé le caractère xiangou ruelle. La partie inférieure du caractère est formée du composant (si) qui a anciennement deux sens : fœtus et serpent « ce si a également le sens de feu, c’est peut-être aussi très important ». Si l’on sait que Monsieur Wu a encore dit qu’il « aimait pénétrer dans la ruelle quand il était petit », ce n’est pas très difficile à comprendre : le caractèrexiangfait justement penser à un fœtus ou serpent pénétrant par-dessous. Monsieur Wu a mentionné plus d’une fois qu’il était dans son fantasme un bébé. Une fois, il a encore parlé de ce genre de fantasme : « Il y a beaucoup de bébés, des serpents et des animaux dans un liquide… un cadavre de femme… dans une grande bouteille trempe un bébé, celui-ci est sorti de la bouteille en rampant, j’en ai une très grande peur, il veut pénétrer dans l’intérieur du cadavre de femme… le père est entré tout à coup et a tiré le bébé du corps maternel… le bébé qui est tout en sang, se baigne dans la baignoire… »

En ce qui concerne ce fantasme terrible qui condense visiblement plusieurs idées et sentiments de Monsieur Wu, on peut le comprendre de divers points de vue. Certains de mes collègues pensent qu’il signifie une régression psychique chez monsieur Wu selon laquelle il veut retourner dans le corps maternel. Cela est possible, puisque Monsieur Wu a déjà parlé figurativement de ce genre de régression. Mais, on peut le comprendre également sous un autre angle : en tant qu’homme, Monsieur Wu (ce bébé ou ce serpent) exprime ici son amour sexuel à l’égard de sa mère, cependant, cet amour est brisé par l’intervention de son père. Ce « bébé dans la baignoire » me rappelle qu’il a une fois tapé à la place du caractère (yu, « vase ») de 痰盂tanyu, « crachoir »)celui de meng, « frère aîné »), celui-ci offre justement l’image d’un bébé () se baignant dans un bassin (), mais l’eau dans laquelle on baigne ce bébé n’est pas une eau normale, mais une eau d’acier toute rouge qui est eau et feu à la fois.


L’analyse avec Monsieur Wu a continué plus de trois mois. Il m’a dit que son père s’inquiétait encore de son état psychique et avait trouvé un nouvel hôpital dans une grande ville où le traitement béhavioriste n’était pas mal. Il a décidé d’y aller pour essayer afin de suivre la disposition de son père. Il semble avoir certains griefs contre moi pensant qu’il a beaucoup parlé et que j’ai trop peu parlé. Mais, il me remercie beaucoup en me disant que lorsqu’il se baigne, il a beaucoup moins cette sensation d’eau d’acier et les associations avec le feu ont bien diminué de sorte qu’il trouve cela même un peu bizarre.


Maintenant, je veux parler du nom patronymique de Monsieur Wu. En réalité, au cours de cette analyse pratiquée via Internet, mon analysant n’a jamais dit son nom, il n’a jamais utilisé non plus un nom de passe, mais laisse toujours un blanc à la place son nom. Du fait qu’il n’a pas dit son nom et parce qu’en chinois le mot « rien » et le nom « Wu » sont homonymiques, je l’appelle donc Monsieur Wu (), cette personne venant justement de la région Jiang-Zhe qui s’appelle aussi traditionnellement Wu-Yue.

En effet, on peut séparer le caractère en trois composants : 口 二 人 ou « bouche » , « deux »,  « homme » et c’est justement à partir du fantasme de coït oral entre les deux hommes que l’on a commencé à comprendre l’impasse dans laquelle se trouvait Monsieur Wu. Si on sépare ce caractère en ses deux composants : « bouche » et « ciel », et qu’on inverse en plaçant la bouche sous le ciel, on obtient un autre caractère qui veut dire « avaler ». Cela rappelle donc son association terrible avec « avaler un serpent » et qui exprime l’impossibilité de mener à bien l’identification à son père. De plus, Wu, au deuxième ton, ressemble phonétiquement au caractère « cinq » qui se prononce aussi wu mais avec un troisième ton, on appelle populairement la masturbation « parler d’amour avec cinq filles ». « Cinq filles » est le surnom des cinq doigts. Il s’agit donc d’un aspect de ses pulsions sexuelles. Je pense également que ce cas ne peut se produire qu’au travers de l’interprétation de l’écriture chinoise qui se compose aussi des « cinq » traits fondamentaux. En ce sens, le caractère (wu) peut effectivement me servir de résumé de ce cas.

Une fois, alors que je rapportais ce cas à Monsieur Michel Guibal, celui-ci mit le caractère bouche au bas du caractère cinq pour construire un autre caractère ayant la même prononciation que celle de wu et dont le sens est « je » souvent utilisé comme sujet. Et Monsieur Guibal pensait encore que si « le cinq » (wu) peut désigner le système d’entrée des données selon les cinq traits aussi bien que la masturbation, alors, le travail au clavier de l’ordinateur et la masturbation ont bien un point commun. Je pense qu’il a tout à fait raison.

On trouvera bien dans « le Dictionnaire étymologique », cité déjà par nous plus haut, une explication sur l’origine du nom ou xing selon laquelle « [Le nom] est ce que l’humain a inventé. À l’époque archaïque, après avoir été émue par le ciel, la divine Mère donna naissance à l’enfant et celui-ci s’appelait donc Fils du Ciel. C’était pourquoi ce caractère se composait du caractère de femme et de celui d’enfantement  ». Cela nous donne à entendre qu’à l’époque très ancienne, l’enfant recevait le nom de la mère, et c’est dans une période plus tardive que l’enfant a commencé à recevoir le nom du père. On sait pour le moins que dans la société patriarcale, l’attribution du nom et du prénom est considérée comme une affaire très sérieuse et très solennelle. Ce que mon analysant a fait en laissant une case vide à la place de son nom et de son prénom doit être considéré comme une résistance au nom patronymique et un refus au prénom donné par son père. Mais, l’être humain n’est qu’humain, il lui faut probablement avoir une certaine appellation. C’est là peut-être l’impasse du Monsieur WMu.





Annexe.

Une brève explication sur la méthode d’entrée des données selon les cinq traits.

1). Les cinq traits fondamentaux de l’écriture chinoise.

Le trait est une ligne continue servant à écrire le caractère. Selon la fréquence de l’apparition des traits, on réduit les traits de la façon suivante :

- trait horizontal (),

- trait vertical (),

- trait incliné vers la gauche (丿),

- trait descendant vers la droite ()

et trait courbé ().

Ces cinq traits constituent les traits fondamentaux de tous les caractères chinois et ceux du « système de transmission selon les cinq traits ».

2). Les radicaux

Un caractère se forme à partir de certains composants qui s’appellent des « radicaux ». Par exemple, on dit souvent que le caractère «  (hu ou barbare) » se compose de «  (gu ou ancien) » et «  (yue ou lune) » et celui de «  (zhang ou chapitre) » se compose de «  (li ou être debout) » et de «  (zao ou matin) ». Ici, «  », «  », «  » et «  » sont également des caractères utilisés fréquemment et aussi des radicaux de ce système des cinq traits. Mais, beaucoup de radicaux ne sont pas des caractères utilisés fréquemment, celui par exemple de « (xiang ou ruelle) » qui se compose de trois radicaux : « 廿 (nian ou vingt) », « (ba ou huit) » et « (si ou le 6e des 12 Rameaux Terrestres) » parmi lesquels celui de «廿(nian ou vingt) » n’est pas un caractère utilisé fréquemment.

3). Le principe de l’enregistrement

Pour le principe de l’enregistrement des caractères selon les Cinq traits, il s’agit de décomposer le caractère en traits ou radicaux qui correspondent aux lettres alphabétiques inscrites sur le clavier de l’ordinateur de sorte que lorsque l’on tape les touches en question, on fait donc entrer les traits et radicaux. En ce sens, le système des lettres alphabétiques joue un rôle de codage des traits et radicaux de l’écriture chinoise. Ainsi le radical «  (gu ou ancien) » correspond au « D » et le «  (yue ou lune) » au « E », et donc pour avoir le caractère «  (hu ou barbare) », il suffit de taper le « D » et le « E » puis la touche espace. Et pour avoir (xiang ou ruelle) », il suffit de taper le « A (廿) » ,le « W () », le « N () » puis la touche espace.

4). Le classement des radicaux

Pour faciliter la mémoire et l’enregistrement, on divise à partir du clavier en anglais, les vingt-cinq touches alphabétiques, à l'exception du Z, en cinq régions dont chacune représente un des cinq traits fondamentaux. Nous avons donc

- la région du trait horizontal qui comporte les cinq touches suivantes : GFDSA et qui est également la région où se trouvent tous les radicaux dont le premier trait est un trait horizontal, (wang ou roi),廿 (nian ou vingt),par exemple ;

- la région du trait vertical qui comporte les cinq touches suivantes : HJKLM et qui est également la région où se trouvent tous les radicaux dont le premier trait est un trait vertical, (kou ou bouche), (chong ou insecte), par exemple ;

pour la même raison, nous avons

- la région du trait incliné vers la gauche qui se trouve sur les touches TREWQ ;

- la région du trait descendant vers la droite sur les touches YUIOP ;

et la région du trait courbé sur les touches NBVCX.

Nous pouvons constater dans le tableau ci-joint qu’en raison des 251 radicaux, y compris les cinq traits fondamentaux, il y a moyennement 10 radicaux par touche, avec un minimum de 4 radicaux sur la touche K et un maximum de 16 radicaux sur la touche U. Il est encore nécessaire de taper certaines touches pour distinguer les radicaux se trouvant sur la même touche. Mais, ceci étant trop compliqué, nous n’en parlerons pas ici.

 

L’homme sans nom ou Monsieur Wu

une pratique psychanalytique de l’écriture chinoise

Yan Helai


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Je dois d’abord exprimer mes remerciements à monsieur Huo Datong du Centre de Psychanalyse de Chengdu qui m’a présenté ce cas et sans les encouragements du quel je n’aurai pu entreprendre cette analyse. Je souhaite également remercier monsieur  Michel Guibal qui m’a appaorté de nombreux  conseils précieux à moi-même et à mon cas. Et mes remerciements doivent s’adresser aussi à tous les membres du Centre de Psychanalyse de Chengdu qui m’ont beaucoup influencé au cours de nos discussion et de nos échanges. Je dois exprimer également mes remerciements au monsieur Huo Datong qui a traduit ce texte en français, et à madame Renée Ajzenberg qui a soigneusement révisé la traduction française de ce texte du point vue grammatical.


L'auteur travaille dans l'Université de Jiaotong ( Chine de l’Est) .


On peut trouver une explication plus complète du système d’entrée des données par les cinq traits dans l’ annexe de ce texte.





Comme, en chinois, pour père on dit fu-qin, fu peut dire père, qin, parent, c’est-à-dire fuqin peut être compris comme père-parent; pour mère on dit mu-qin, mu peut dire mère, qin, parent, c’est-à-dire, mère-parent. Ici, il s’agit de ce qu’il n’écrit que qin (parent). 




































































Dans l'analyse, monsieur Wu a l'habitude de détacher les caractère. Par exemple, il a ainsi  détaché mon nom Yan Helai : « 严和来….ces trois caractères sont tous gros et noirs, puis ils se sont déformés de sorte que les parties du haute sont devenues petites et les parties du bas, grandes, enfin ils son cassés lentement à partir de leur base, brisés et devenus finalement poudre. »


















































































Le caractère de jiao ou croisement est un caractère que Monsieur Wu n’a pas pu taper correctement à chaque fois. Dans d’autres associations, avant qu’il n’ait  encore une fois mentionné « le coït , ou xingjiao, croisement sexuel », il a parlé avec hésitation de « chapeau de cérémonie de l’homme ». J’ai pris conscience que le caractère «  jiao » ressemblait à celui de « fu» avec un chapeau ().


A propos de serpent, monsieur Wu a encore certains récits. Il dit par exemple que la marche du serpent prend la forme de vagues et son père sait fabriquer ce genre de vague.


Noter ce caractère meng ou frère aîné écrit à la place du caractère yu ou vase. Nous parlerons de ce lapsus plus tard.


A propos dujingdu mot 阴井, Monsieur Wu utilise de temps en temps la transcription phonétique «jing » pour la substituer à ce caractère.






Le puits d’égout se dit en chinois yinjing (阴井) phonétiquement semblable au mot  pénis qui s’écrit 阴茎, mais se pronoce  aussi yinjing mais dont le jing est au premier ton par rapport au jing de troisième ton de puits d’égout. Et au niveau graphique, les premiers caractères de ces deux termes sont les mêmes, tandis que les deuxièmes caractères sont différents. D’autre part, le vagin se dit  en chinois yindao (阴道) qui traduit littéralement « chemin ombragé » et dont le premier caractère est le même que celui de deux termes précédents.














Le terme “大海” (mer)  symbolise également la mère et le “” de 河姆渡 (Hemudu) est un homophone de “” (mère). C’est une supposition à envisager.
































On a un segment d’association suivant : « En passant le pont … l’entassement de sables, j’arrive à l’école secondaire … un camarade de l’école primaire … le réseau de fils de fer comme celui de mon jardin d’enfants … seau d’aisances du jardin d’enfants, on ne distingue pas alors les garçons des filles. » Il s’agit visiblement d’une régression de l’école secondaire à l’école primaire et jusqu’au jardin d’enfants.