Lundi après-midi (Catherine Kolko)




Jean-Jacques Moscowitz

Un psychanalyste de très grande générosité, vient exposer directement sa pratique, ce qu’il dit c’est de la clinique ; cette clinique est supposée analogique à sa pratique. Il y a un écart entre la clinique et la pratique, inévitablement.

Sa clinique est une clinique des ruptures cumulées. Il y a rupture :

du sommeil

de la cure

histoire familiale

histoire chinoise


Cette rupture signale un retour et elle signale ce qui est arrivé à Freud. Quand il revient sur sa clinique en 1923 dans Dora, dans une note en bas de page, il expliquait son désarroi lorsqu’il découvrait l’homosexualité féminine, qu’il avait négligée lors de la rédaction initiale de Dora.

Qin Wei aurait montré que parler c’est donner de l’amour et écouter c’est en demander. Il se produit une inversion de la demande, le « je t’aime » on en sait plus qui le dit des deux.

Cet exposé permettait de comprendre le sous-titre du séminaire. Le signifiant phallique, la mort, le transfert sont présents ici comme en France. Avant de se demander ce que sont nos différences, essayons de travailler sur ce qui est commun : le manque phallique. Le rapport à la mort et à la famille.

L’élaboration théorique prend des formes qui n’ont pas grand-chose à voir avec nos façons d’intervenir, les références à l’écriture sont très présentes. C’est non une confusion mais la fin d’une confusion.

Tous les personnages sont confondus. Dans la séance du « Je t’aime », elle sort de cette confusion qu’elle avait aussi avec l’analyste. Elle reconnaît cette parole comme le sien. C’est ce qui ouvre le fait qu’elle puisse évoquer la situation de la mère et de l’enfant.



Qin Wei

Sujet très enthousiasmant mais aussi très pénible parce qu’avec une jeune fille au cours d’une analyse, parler de façon de façon très légère de sujet comme la relation amoureuse c’est une chose très difficile pour moi.



Cornaz

souligne une particularité dont les choses se passent en langue chinoise. Il donne l'exemple du pǐn, c’est-à-dire en écriture : trois bouches. C'est l'association qui fait le caractère, ajoute-t-il. Et ce qui a été dit d'un côté n'est pas bien entendu de l'autre. Il demande quel est le point qui « sur le ver à soie rampant » a fait lapsus.



Qin Wei

L'analysante fuyait en disant précisément les choses. Et je la comprenais. Car c'est elle qui reprenait les lapsi. Je parle d'un ver car dans la langue chinoise, dans son écriture, il avance en ondulant.



Bonetti

Qu'en est-il de la voix de l'analysante puisqu'au début vous avez du mal à l'entendre. UNE voix a dit « Je t'aime ». C'est aussi la voix de l'analysante qui dit « Elle t'a caressée ». Y a-t-il eu au cours de l'analyse des changements de voix, des prises de voix chez cette analysante ?



Qin Wei

Au cours de l'analyse, il y a deux voix : une étonnante, l'autre pas. Quand la voix sortait de la bouche, c'était comme si elle était suspendue en l'air et revenait vers l'analysante. Je pense souvent à ce problème. Lorsque le son voguait en l'air, il lui rappelait la voix de sa relation à sa mère. Entre l'orteil, le mamelon, le clitoris, le gland et la calvitie, c'était comme de la plaisanterie. Il faut y ajouter la langue comme organe. Lorsque quelqu'un parle, cela s'inscrit-il dans le ton de la mère ?



Intervenant chinois

Les interdits sont courants en Chine et produisent des effets. Soulignons l'importance des mots, ici dans cette discussion. Et du vouvoiement. Lorsqu'il est question du moine, le psychanalyste intervient pour dire : "tu vois, moi aussi j'en ai deux (de cannes)." Le psychanalyste offre ainsi une nouvelle ouverture. Au cours de cette analyse, il y a donc un arrêt et non un interdit. Le résultat en est un effet mauvais. Cela rend la question du transfert et du cela me rappelle qu'une amie a refusé d'aller en analyse chez Qin Wei à cause de son nom. Parce que son nom s'apparente à quelque chose de la Chine ancienne : qi. C'est une identification du surmoi qui dans son patronyme porte des caractères troublants. Rappelons-nous que la canne du moine s'associe à la saillie du père qui apparaît. C'est une question posée au psychanalyste sur le transfert dans le processus de l'analyse. Comment traiter la question du transfert lorsque l'analyste est un homme et l'analysante une femme ?



Qin Wei

Je souhaite parler du transfert avec l'analysante, bien sûr. Il y a aussi de l'inquiétude que d'en parler. De mon point de vue, je varie dans les diverses façons de me comporter. Lorsque la jeune fille me dit "je t'aime", je ne sais que faire. Donc je joue avec le transfert et c'est là mon problème. Je veux, bien sûr, présenter ici ce rêve du mieux que je peux. Je tiens donc à exprimer mon inquiétude. Ceci provoque de la tension liée à mon nom (Qin) qui le mérite. L'intérêt de cette analyse est pour moi évident.



Catherine Kolko

Revenez sur l'incertitude comme question importante dans le transfert. Votre positionnement permet le maniement du transfert. Vous laissez la place vide. C'est cela qui lui permet le « Je t'aime ». Elle ne vous prend donc pas pour "celui-là". L'analyste a ensuite à construire ses théories depuis le cas.



Qin Wei

« Je t'aime » est un son qui est revenu à l'analysante. Elle a pensé que c'était moi qui avais dit ce son. C'est donc ce moment qui a permis le décollage du désir. Ceci lui a rappelé un souhait, celui de retrouver l'appel de son père. Appel placé comme un point de vue de femme.



Intervenant chinois

Avez-vous déjà ressenti, auparavant d'autres explications que celles que vous donnez ? Nous savons que les patients de Jung (sic) présentent des rêves prototypes.



Qin Wei

J'ai choisi de m'appeler ici Geha, c’est-à-dire "çà va…" Ce nom ne répond pas à la question, mais je sais que mon cerveau est parfois rigide. Je cherche d'autres points de vue, mais je n'en trouve pas.



Éric Didier

Faire un lapsus est une chose, le reprendre ailleurs est tout à fait autre chose. Le reprendre, c'est témoigner publiquement de ce lapsus. C'est dire, par exemple, que son analyste ne l'a pas entendu. Ceci permet, à l'analyste, d'être lui-même. Cette cure fait entendre que chacun des deux analystes fait de l'autre un analyste (le psychanalyste et le psychanalysant). Ce « Je t'aime » qu'elle t'adresse représente une autre figure que le père réel. Ceci la rend analyste.



Intervenant chinois

L'analyse du cas fait par Qin Wei rejoint son séminaire. Apparemment, il ressemble aux occidentaux mais ce n'est pas juste. Dans son rapport, il est question d'un prêtre. L'expression dong fu amène à un moine dans lequel apparaît un caractère qui indique la canne (avec la main). Dans la main il y a un bâton dirigé vers le ciel. Lorsqu'il dit "prêtre", il y a le son [fu] comme dans « moine » et qui veut dire « père ».



Intervenant européen

Je reviens sur le « Je t'aime ». Les Français étant des sentimentaux, le « Je t'aime » est entendu comme un acte inconvenant de parole. Cette parole franchit ainsi des limites de chaque côté. Elle est un événement en tant que telle.



Qin Wei

« Je t'aime » indique une coupure avec l'acte d'aimer. L'analyse se ressent de cet instant. Elle n'est pas un rejet de cet instant. C'est un instant qui en entraîne un autre.



Houdebine

Merci à l'analyste sur sa façon d'exposer la cure. Je voudrais répondre à celui qui parle de Jung et à celui qui présente les caractères où il a lu le père. Comme « Charcot qui invente l'hystérique », disait Freud, il en va de la résistance à une interprétation du rêve. Chacun résonne avec telle bribe pour expliquer. C'est la fiction clinique qui permet de faire entendre une cure. Et le récit de la cure est une fiction qui n'est pas la pratique. D'où vient le rêve est donc moins important qu'il n'y paraît.



Cherki

Les deux figures centrales du rêve sont le prêtre et le moine. Ces deux figures s'opposent.



Jean-Jacques Moscovitz

Cette observation de 2004 ressemble à Rêves et transfert de Dora de Freud qui date de 1905, et qui évoque un lien de l’Europe freudienne à la pratique de la psychanalyse en Chine et aussi à l’enseignement de Lacan. Freud et Lacan, tous deux venus d’Europe, ils sont la base de notre IAEP et cela ouvre à la question topologique de poser comment de l’analyste s’inscrit au niveau de l’inconscient…

Voilà l’enjeu.


Un prêtre, un moine bouddhiste, deux figures de père, dans deux rêves faits la même nuit chez une psychanalysante, un signifiant les lie : un gros ver à soie, tête dressée telle le pénis et aussi le phallus, le signifiant du désir qui non reconnu fait jouissance, c’est-à-dire non coupure, et donc pas de sujet.

Voilà le cadre.


Ici, la clinique est supposée analogique à la pratique, soit un écart entre clinique et pratique qui pourrait s’équivaloir à une éthique de la parole et où, de plus - et c’est là le linéament propre à notre table ronde de cette après-midi - la clinique/pratique/éthique disent l’institution psychanalytique dans laquelle des analystes en Chine se regroupent, sous le nom de Groupe psychanalytique de Chengdu où s’agence au sein de cette institution une certaine répartition des rôles. Comme dans toute institution. Ici, le groupe de Chengdu est l’institution invitante et fonctionne autour de la personnalité et de la place de Huo Datong, à la fois traducteur à cette table ronde, et aussi bien nous le savons, en place de psychanalyste de bon nombre de membres de ce groupe, et de plus il est le boss du groupe lui-même. Comment se situer par rapport à lui est de fait une évidence.


Lobservation

Ici donc deux rêves d’une analysante faits la même nuit, deux consistances imaginaires d’un même signifié, propre à indiquer la fonction phallique pour une femme. Il s’agit dans l’un des deux rêves de la cravate, dans l’autre d’un bâton, comme une canne. Or, l’analyste qui parle, Qin Wei (Geha, à l’occasion de cette après-midi, il écrit sous ce nom-là) a lui-même des béquilles, cela va se dire dans la cure.

Signalons ceci, qui n’est pas sans importance : l’analysante semble Qi était dans la salle, alors qu’il s’agit d’une analyse commencée récemment, ce qui va avec le fait que ce groupe de Chengdu est tout neuf, et qu’il faut ce qu’il faut dans ce cas-là, tout le monde le sait.

Donc une cure toujours en cours, seul Qin Wei a en répondre, de même que l’analysante, si elle avait à parler. Tout cela pour dire que la dimension de l’écart entre pratique et clinique, ce point éthique doit être indiqué à chaque instant dans des groupes en formation, en train de s’instaurer psychanalytique dans l’histoire psychanalytique mondiale.


Tout cela pour donner cadre à une pratique de la psychanalyse qui n’irait pas un peu trop alimenter des jouissances et des désirs et de l’amour hors du transfert, dénouant trop vite le processus analytique entre analysant et analyste.


Serge Leclaire ne nous disait-il pas qu’il fallait oser avouer un certain amour à son analysant(e) si cela devait avoir à se faire, aveu de sentiments s’il en est, qui peut parfois dans une cure être opérant pour dégager la charge trop érotique ou émotive qui peut s’y déployer.

Comment histoire amoureuse et transfert se rejoignent-ils et se différencient-ils ? C’est là le point de contact ou de connivence, pour éviter que le symbolique, le réel et imaginaire (structure œdipienne et fonction paternelle d’un côté et de l’autre la pulsion sexuelle, le psycho-sexuel freudien), ne peuvent se distinguer l’un des autres.

Soit comment l’organisation génitale infantile et l’amour intrafamilial se rencontrent-ils dans une vie, comment sont-ils ou non producteur de sujet, tel que plus tard, l’adulte pourra être conduit à en débattre dans son analyse.

Car s’il y a échec en amour, alors on se retourne vers les questions infantiles, les racines infantiles du désir pour savoir pourquoi il y a un tel échec. Et s’il y a un succès ? Allons-nous chercher dans les pulsions ce qui a bien fonctionné ? ou au contraire laissons-nous les choses se dérouler par elles-mêmes ? C’est que justement la névrose méconnaît l’hypothèse de l’amour au point qu’il faille faire retour à des points non résolus dans l’enfance qui viennent se nouer dans le transfert et réveiller certains points difficiles parfois pour l’analyste du fait même de sa propre analyse. La question est de savoir comment le transfert contient ou pas un tel retour, comment cela est-il possible de le reconnaître dans une cure ? comment deviner le transfert lorsque l’analyste y est trop impliqué, semble-t-il.


Tutoiement

D’où la question du tutoiement qui a été posé à la table ronde, puisqu’à un moment donné de l’observation, c’est elle, l’analysante, qui tutoie en premier l’analyste ou est-ce lui qui a induit une telle chose ?

L’a-t-il induit ou décidé ? l’a-t-il désiré ou pas ?

Ou bien se retrouve-t-il dans les rets de ce qui pour lui fait appel à son analyse plus que d’habitude, au rapport de la dimension du discours du maître, soit la place du père, du chef ? Comment lui-même se dit-il dessaisi, défait de ses objets primaires, infantiles ?

Le tutoiement ouvre à une dimension de connivence, du type de la séduction primaire, c’est-à-dire des relations fixées dans l’enfance. Établies presque une fois pour toutes, elles vont peu bouger dans la vie, et dès lors souvent elles nécessitent un appel à un analyste, donc une psychanalyse. Comment alors des quantités de libido peuvent-elles se défaire de leur fixation, et émerger dans le moi qui se retrouve alors surinvesti et peut faire croire à de l’amour comme dans la vie alors qu’il s’agit d’analyse. Du transfert analytique.


Ainsi le signifiant « ver à soie », apparaît-il dans l’analyse : la peur du gros ver à soie est-elle à prendre en considération. En français cela évoque l’image sexuelle, et dans le phonème cela évoque le narcissisme « soi » ou l’appropriation à soi-même, et aussi pourtant de la beauté et de la douceur, comme le tissu de soie. En même temps, cela évoque le cocon, le repli, la non-parole. Sur le plan topologique c’est un essaim de signifiants, à la recherche d’un signifiant perdu, qui fasse trou dans cette chaîne, et donc leste la chaîne signifiante pour faire sujet, qui sache les organiser en discours où du sujet se produit.

Le tutoiement est-il alors une injonction séductrice venue des deux partenaires dans la cure, pour qu’un signifiant S1 fixe advienne enfin en tant que tel et puisse se discerner du reste.

Ce « tu » évoque le souhait du désir de l’hystérique, que sa parole soit entendue à l’exact point de l’émergence du discours, supposant un autre non barré, ce devant quoi l’analyste souvent se retrouve pris au piège. Ainsi ne peut-elle parler haut et fort au début de la cure, d’où même une rupture des séances. Après la rupture, l’analysante revient au moment même où un ami lui montre des vers à soie qui ne cessent de grandir. Cet ami lui montre un savoir sur son fantasme sexuel. Les propos de l’analysante quand elle s’explique sur ce point-là, disent que le ver à soie est l’équivalent du pénis du père.

Voilà la première phase de l’observation envisagée ici en écho à ce qu’analyse Qi Wei : un moine bouddhiste, un prête et le père sont mis en série, à laquelle s’ajoute le psychanalyste. Voilà le point d’observation où nous sommes à ce moment-là.


L’inconscient est sexuel, le féminin…

Ou l’inconscient est sexuel, psycho-sexuel, dans le sens où la fonction paternelle y agence une place à partir de laquelle l’analysante peut dire, maintenant, à voix haute, son désir, l’existence de son désir, ici habillé par du sexuel qui compte.

Et cela passera par le tutoiement. C’est le point du féminin qui surgit alors, savoir comment une femme apprend à une femme ce qu’est une femme. Cf. l’observation de Freud de Dora, où une note de bas de page de 1923 nous signale combien Freud avoue tomber dans un désarroi très profond tant qu’il n’avait pas découvert dans la névrose hystérique l’impact de l’homosexualité féminine psychique. Savoir comment une femme se situe par rapport à une autre femme pour en être une.

Ainsi l’analysante va-t-elle dire qu’elle ne connaît pas l’orgasme vaginal. Le caractère chinois pǐnest ici en jeu, il représente trois bouches, par quoi l’analysante avoue son activité orale sexuelle prévalante à ce moment-là de l’observation. Survient alors d’autres rêves, notamment celui de la moto conduite par son amant et où son corps debout ondule au rythme de la vitesse de la moto, et elle en vient à cacher les yeux du conducteur de la moto, comme si elle voulait risquer sa vie… Mais il s’agit d’un rêve, et effectivement dans le rêve ils tombent dans un précipice, soit la chute dans une jouissance Autre.

Où au mot femme s’adjoint le terme de femme facile, chaussure déchirée en chinois, mais cela est de l’ordre du discours masculin dont cette analysante cherche à se défaire à ce moment-là. Elle cherche une limite, mettant en scène le risque de mort dans un rêve, cherchant la limite, un nouvel axe à ces enjeux corporels féminins. D’où l’intervention de l’analyste dans le transfert à propos de la jouissance de la vie. Ce qui n’est pas une mince affaire dans une telle cure.

Savoir que le transfert dans sa singularité ici joue sa partie depuis la fonction paternelle pour arriver au tutoiement à haute voix, au point qu’elle dise à son analyste : « Jusqu’à présent je t’ai toujours pris en fait pour mon père. » Cela tourne autour de la canne du père et de la paire de cannes de l’analyste, ses béquilles. Et cela est indexé d’un « Je t’aime », dit par l’analysante. Elle lui attribue que c’est lui qui aurait proféré ce « Je t’aime » dans l’utilisation d’un parlé haut ou bas selon le moment, au point de pouvoir lui dire, elle l’analysante envers son analyste, que ça serait lui qui aurait commencé à lui dire de tels mots d’amour.

C’est alors qu’elle se voit comme un bébé dans les bras d’une mère, où se rejoignent érotisme et destruction. C’est alors que l’analyste fait appel à la question du clan, du nom du père pour tenter de situer semble -t’il le féminin dans le transfert, ce qui est de fait de plus en plus nécessaire, comme par exemple le fait d’évoquer que l’analysante, petite fille, dormait avec sa mère, le père étant absent, et que la mère acceptait jusqu’à tardivement de se faire toucher le téton, jusqu’à ce que le père intervienne pour faire cesser une telle chose. Ce qui montre quelque peu, qu’entre amour et amour de transfert, qui est adressé à l’analyste, il y a peu d’écart parfois au point de rendre confus certains moments de transfert non différenciables de ce qui se passe dans la vie…

Je conclurai là-dessus, le point de dé-paternaliser le clan en faisant avancer la dimension du féminin, sa singularité. Mais alors là c’est placer l’analysante dans une certaine solitude. Qu’en est-il en Chine de cette problématique ?

A condition de ne pas en faire trop vite un concept, qui ferait la nique à la fonction paternelle, c’est là le hic dans une cure de femme qui mène son discours en fonction de son désir de femme. Voilà ma participation pour ouvrir la discussion si cela est possible.



Ph. Réfabert

J’ai beaucoup admiré votre foi dans la psychanalyse, elle m’a rappelé celle de mes débuts, lorsque j’étais si pressé de ressembler à Freud, de faire comme lui, de reproduire ses cas princeps, comme vous qui, ici, retrouvez la thématique du cas Dora.

La comparaison entre votre patiente et le cas Dora a déjà été évoquée par plusieurs intervenants mais je me demande en quoi cette comparaison est pertinente. Elle l’est à mon sens en ceci que le père de Dora conduit sa fille chez Freud comme le Médecin Directeur de l’hôpital vous demande de faire une psychothérapie à cette jeune fille. Je pense que vous auriez été fidèle à Freud en ne reproduisant pas son erreur qui a été de proposer des séances de psychothérapie à la fille au lieu d’entendre celui qui demande quelque chose, c’est-à-dire le père. Dans votre cas pourquoi ne pas faire la psychothérapie du Médecin Directeur puisque c’est lui qui parle de psychothérapie.

Maintenant la jeune fille, que faire pour elle ? Pour soulager ses souffrances il me semble que vous auriez été inspiré de la prendre au mot. C’est toujours le patient qui conduit la cure et ici, elle et sa famille, vous disent qu’elle souffre des conséquences d’une intoxication alimentaire. Pourquoi ne pas accepter ce fil que la mère et la fille vous indiquent en conduisant la cure au plus près des méthodes traditionnelles. Peut-être auriez-vous été conduit à explorer des pistes que vos « connaissances analytiques » ne vous ont pas aidé à ouvrir. Intoxication alimentaire, disent-ils ? Et si on leur avait fait avaler des choses insupportables, à elle et à sa famille. Une famille de paysans ? Que leur est-il arrivé à ces hommes et à ces femmes-là pendant les dernières décades ? Je sens que cette terre est, comme la mienne, gorgée de sang et qu’elle pleure de douleur. Ne pourrait-on en percevoir quelque écho dans cette cure.

Pour moi, l’horreur, la barbarie m’ont atteint à travers ma mère. Une mère qui avait entre quatre et dix ans quand elle a avalé l’insupportable. Cette horreur - la folie des tranchées puis la mort de son père à la fin de la première guerre mondiale - avait été trop grande pour une petite fille dont la mère était, en plus, inapte à l’aider à humaniser cette horreur. Ma mère plus tard devait souffrir toute sa vie de troubles intestinaux que j’ai partagés avec elle tout au long de mon enfance et mon adolescence.



Qin Wei

J’étais trop jeune [pour voir ce qui s’est passé] pendant la révolution culturelle.


 

Discussion

à propos de la communication de Qin Wei


Retour
au
texte
Ch_Coll_C04g_Geha.html
TéléchargementCh_Coll_C04h_Geha2_files/Qin%20Wei-Reve_debat.pdf