Novembre 2002


                                   


La Chine longtemps m’a habitée comme un enclos dans un jardin fermé.

Quand en 1975, je me suis trouvée à la porte de la Chine Hongkong le passage, l’entrée pour la République Populaire de Chine était fermée.

J’ai tenté de comprendre et de me rendre en ces lieux et finalement j’ai commencé une nouvelle analyse.

Le déplacement s’est donc effectué différemment, je suis entrée en analyse sous le signifiant chinois.

L’analyste dans la fiction de l’analyse était en place pour démêler cet incompréhensible et ouvrir les portes. Il transcrivait la langue inconnue mais comment pouvait-il lire le chinois ? puisque justement sinogrammes et paroles sont désarticulées à la différence de notre écriture alphabétique qui renvoie à des lettres sonores. Je poursuivais inlassablement, je parcourais ou je construisais cet objet mais c’est sûr l’analyste était chinois pour saisir de quoi il retournait.

Puis vint le moment où je fus capable de partir seule dans cet espace, je pris un billet d’avion et je découvrais que tout ça existait réellement, j’étais ravie, j’étais enfin en Chine, je ne parlais pas encore mais je découvrais Pékin et la Cité interdite - Hohhot : Mongolie intérieure - Xian : l’armée enterrée - Luyang : les grottes sculptées de bouddhas - Shanghai qui se dresse sur le bord du Huanpu jiang… Je passais aussi des heures et heures dans les trains, j’étais sur les routes de la Chine.

L’année suivante Michel Guibal m’a proposé de me rendre à Chengdu dans le Sichuan parler de psychanalyse dans le cadre de l’AIPEC. Huo Datong et des analysants : professeurs et étudiants étudiaient les textes de Lacan. La psychanalyse s’implantait dans ces lieux et ils éprouvaient la nécessité d’une parole étrangère. Je n’ai donc pas hésité un instant et je suis partie rejoindre le groupe de Chengdu.

Pour moi, la réalité dépassait la fiction, je croyais rêver, j’allais pouvoir parler à des vrais chinois des dédales de la Chine, à mon tour, j’allais prendre la parole pour dire ou montrer ce qu’il en était de l’impossible.

J’emportai avec moi « La lettre volée » de Lacan, ironie ou question : la lettre n’est pas chinoise, dans le cadre des séminaires de Huo Datong qui traduisait mes paroles en chinois, je tentais d’expliquer les déplacements de la lettre.

Ce séjour me renversait, ouvrait un espace que je commence seulement à saisir.

De retour en France, j’ai commencé à pratiquer le chinois : langue parlée et sinogrammes, deux expressions de la langue qui ne se redoublent pas, l’écriture ne s’entend pas, elle se montre.

Je suis retournée à Chengdu pour le « International Symposium of Psychoanalysis » d’avril 2002, et là, j’ai eu la surprise en lisant la première page des Psychoanalysis notes du vol 3 (retranscription des séminaires de psychanalyse du groupe de Chengdu).

« Lecture by Simone Lamberli : La lettre volée » la lettre N finale de mon nom de famille avait disparu.

Je ne peux donc que continuer à travailler cette histoire de Chine mais avec des autres.


 

Ma Chine

Simone Lamberlin


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